En cargo vers New York
Quand l’Océan se déchaîne…
Un peu plus de roulis cette nuit. Règle n° 3 : dormir les jambes écartées pour éviter de rouler dans son lit. Le bateau bouge beaucoup. Je n'ai pas vraiment bien dormi. Pour une fois, j'arrive la première au petit-déjeuner. Jus d'orange pressé, yaourt, corn flakes, toasts, un fruit et un thé. J'ai l'impression d'être à l'hôtel. Très vite, j'ai l'impression également d'avoir vraiment trop mangé, aussi je vais faire un peu d'exercice. La mer est démontée. Force 7. Le bateau bouge énormément. Je pense à mon père qui souhaite faire un tour du monde à la voile. Que serait un voilier de 15 m dans une mer comme celle-ci ? Maman serait-elle une bonne équipière et mon frère Thomas n'aurait-il pas le mal de mer dans ces conditions ?
La mer me fait peur. Ce ne sont pas de gros creux, mais je la sens méchante avec beaucoup d'écume et une couleur grise qui me rappelle certains tableaux de tempêtes. Je suis sur le pont inférieur. Plus j'avance, plus je sens les mouvements du bateau. Le cargo monte puis redescend en tapant l'océan. L'eau passe par-dessus le pont. Je n'avance plus. Immobile, aggripée à une rembarde en fer, je dois être dans une position pathétique, mais j'essaie d'analyser la situation. Dois-je reculer ou avancer pour rejoindre l'autre entrée. J'opte pour la seconde option. J'avance lentement et essaie de comprendre le mouvement du bateau pour m'y coller le mieux. Je me sens mal et pour la première fois depuis le départ, j'ai envie de vomir. Il faut que je rentre à l'intérieur. J'y arrive. Je suis blanche. Je vais voir Peter qui m'avait parlé, quelques jours auparavant, de chewing-gums révolutionnaires contre le mal de mer. J'en prends trois d'un coup et retourne les mâchouiller dans ma cabine. Je n'en ressors pas jusqu'au soir.
Texte : Sibylle Eschapasse
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