En cargo vers New York
La côte française disparaît…
Je rouvre les yeux vers 3 h du matin, réveillée par le grondement du moteur qui fait vibrer continuellement la porte de ma cabine. Je ne prends même pas le temps de me rhabiller et regarde par le hublot. Un remorqueur pousse le London Senator et nous avançons. Oui, nous partons. Une pensée parcourt mon esprit. Puis-je encore appeler mes parents ou ne capte-on déjà plus là où nous sommes ?
Je compose mon numéro à Paris, et deux secondes plus tard, entends une maman puis un papa endormis, mais ravis de m'entendre. L'appel dure cinq minutes. La côte française disparaît. Pour moi, ce voyage est symbolique. Je vais faire un stage à New York en milieu diplomatique. Je reviens du Pacifique où j'ai passé plusieurs mois pour y faire mes recherches de DEA. Revenue à Paris, pour l'écriture et ma soutenance à la Sorbonne, je ne voulais pas arriver à New York en sept heures d'avion. Je voulais prendre le temps, réfléchir, préparer mon séjour. Arriver par la mer comme l'une de ces anciennes immigrantes. Voir la statue de la Liberté après tous ces jours en mer, et uniquement après. L'arrivée à New York se mérite !
Tout est complètement noir et nous ne voyons plus de la côte que quelques lumières. Je reste là un certain temps. Nous n'avançons pas encore à notre vitesse de croisière maximale.
Puis je me recouche après avoir pris le soin de bien caler ma porte avec un bout de papier. J'y arrive enfin !
Texte : Sibylle Eschapasse
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