En cargo vers New York
Et finalement, New York !
Très beau lever de soleil. Couleurs irréelles. J'ai peine à imaginer que nous arrivons dans moins de vingt-quatre heures. Le temps passe si vite. Presque trop vite. J'essaie de profiter de chaque instant de cette dernière journée de no man's land. La mer est plate. Le soleil est là. Journée idéale. Je passe le plus clair de mon temps dans mon hamac. Comme pour couronner le tout, je vois d'autres dauphins en milieu de journée. Je joue les Kate Winslet, façon Titanic, à l'avant du bateau, et fais des photos.
Je vais voir nos oiseaux rescapés de Valence et, comme tous les jours, renouvelle leur eau. Ils sont faibles, mais bien vivants. Ils vont réussir à arriver sains et saufs à New York. Je suis contente. Le compte à rebours se met en marche et nous pensons à l'arrivée. L'excitation monte pour tout le monde.
À 2 h du matin, je vais voir le capitaine sur le bridge. Nous voyons les premières lumières. Nous ralentissons notre vitesse et n'avançons plus qu'à allure minimale. Je m'aperçois que d'autres cargos sont tout autour de nous à attendre, eux aussi, l'accord de la capitainerie pour entrer dans le port de New York. Nous nous approchons de plus en plus. Le spectacle est des plus enchanteurs. Tout est illuminé. J'ai l'impression d'être dans un parc d'attractions. La première chose que je vois de New York est le pont Verrazano tout en lumières sous lequel nous passons. Je ne cesse de le contempler, omnubilée par cette merveille architecturale. Puis, je tourne la tête vers la droite et… oui, la statue de la Liberté est bien là. Au loin, bien perceptible, dans toute sa splendeur, brandissant sa torche qui scintille encore plus dans le noir. Je relache nos oiseaux ici.
Au quai de Port Elizabeth, une équipe de l'immigration monte à bord. Sur les fiches d'arrivée à remplir, j'inscris trois petites lettres : SEA, qui revêtent, maintenant pour moi, une signification bien réelle.
Jours de calme et de tempête, de sommeil et de veille, de discussions et de rires, de complicité, de solitude aussi, il est temps de quitter tout le monde. Je descends à terre. Nous sommes le 11 octobre 2002. J'achète le New York Times. À la une, un sniper en fuite, législation Bloomberg sur les lieux fumeurs / non fumeurs, Bush et l'Irak. Je suis bien descendue à terre. Tellement à terre…
Texte : Sibylle Eschapasse
Mise en ligne :