Malacca, la Malaisie mosaïque
Malacca l’européenne
« Quiconque tient Malacca est en mesure d’asphyxier Venise ». C’est le premier ambassadeur portugais dans la région qui souligne ainsi le rôle clef du port. Oui mais... Encore eut-il fallut s’assurer que les navires, raison d’être du comptoir, continueraient de commercer dans une cité tombée aux mains de l’ennemi chrétien... Il n’en fut rien, bien sûr, et Malacca perdit peu à peu de son attrait au profit d’autres ports régionaux. Moins d’un siècle plus tard (1641), les Hollandais enlevèrent la place aux Portugais avec l’aide du sultan de Johore. Ils y restèrent un siècle et demi, négligeant un peu la ville au profit de Batavia (Jakarta). En 1826, Malacca devint anglaise et le resta jusqu’à l’indépendance en 1957.
Face au quartier chinois, de l'autre côté de la rivière Melaka, l'Asie s'efface pour laisser place à l’héritage des conquérants d'hier. Au passage du pont, l’œil hésite : voit-il rouge, soudain ? Il y a là, bien rangés, le Stadthuys hollandais, mairie rose édifiée entre 1641 et 1660, et la Christ Church (1753) couleur corail, construite en briques de Zélande. Ajoutez à cela un moulin, une tour d’horloge, une fontaine dressée en l’honneur de la reine Victoria, secouez bien et servez frais ce drôle de cocktail européen.
La Porta de Santiago, dernier témoin de la vieille forteresse portugaise d’A’ Famosa, ne devrait même plus être là. C’est un homme inspiré qui empêcha sa destruction en 1808 : lord Raffles, le « fondateur » de Singapour, qui a donné son nom au plus élégant, au plus British de ses palaces. Ironie du sort, la pierre de la porte est gravée des armes de la Compagnie Hollandaise des Indes Orientales...
Au-dessus, une série de marches grimpe jusqu'aux ruines de l'église Saint-Paul (1571). Saint François-Xavier, l’évangélisateur de l’Asie, s'y arrêta souvent. Il y fut même enterré, avant que sa dépouille ne soit rapatriée à Goa, où elle se trouve toujours. Aujourd’hui, les pierres tombales, finement gravées, sont néerlandaises.
Texte : Claude Hervé-Bazin
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