Les îles d'Aran, l'éternel gaélique
Un labyrinthe de murs et de champs
Chaque îlien d’Aran, dès son enfance, est un familier de la pierre. Ils ont eu pour jouets autrefois, des galets aux formes de vache, de poule ou de brebis. Les anciens savaient reconnaître l’auteur d’un mur à sa façon d’être construit. En pierre sèche, sans mortier, ce sont encore de véritables curiosités d’architecture.
Sur ces îles karstiques, prolongement des Burren du continent, le calcaire est omniprésent, malgré la présence de quelques grosses pierres rondes en granit, témoins de l’époque glaciaire. Le long de ces murs, il faut observer les pierres d’angle pour un démontage rapide, les assemblages aérés dignes d’un équilibriste pour laisser passer le vent. L’extrémité du mur était surnommée « le coin des querelles », entre les propriétaires. On enterrait les enfants non baptisés dans le mur-frontière, sorte de no man’s land spirituel. Toujours présents, les chiens colleys irlandais blanc et noir et les chats montent sur ces murs, les ânes s’y frottent le dos.
Et pour les champs, ne fallait-il pas tout un hiver de travail afin de fertiliser mille mètres carrés ? En rassemblant les pierres, récupérant la rare terre brune des fissures, en la mélangeant au sable, aux algues et au fumier dans des paniers transportés à dos d’hommes ou d’ânes, afin d’avoir quelques pommes de terre… À raison de 25 à 30 champs par fermier, sur le cadastre, chaque parcelle entourée de murs porte un nom gaélique. Le « rocher des fantômes » ou le « champ des têtes », font ainsi rêver tout au long du labyrinthe minéral des îles d’Aran…
Texte : Anne-Marie Minvielle
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