Krak des Chevaliers et château de Saladin

Que de châteaux ! L’imaginaire s’anime rien qu’à l’évocation de ces sites. On rêve de prises, d’assauts, d’échauffourées, de meurtrières, de princes, de princesses, l’imaginaire s’emballe, mais… le ciel est bas, il pleut et il fait froid. Pour le rêve, on repassera. On accède au Krak des Chevaliers en microbus depuis Tartous ou Homs (que le krak avait comme objectif de surveiller). Sinon, en voiture. Entre deux thés à la menthe, partagés avec les gardiens tout aussi frigorifiés, et la montée en colimaçon dans les nuages, les éclaircies apparaissent au gré de la visite.

Remontons le temps pour nous projeter en 1099 quand le Toulousain Raymond de Saint-Gilles prit une option sur la forteresse kurde avant de la transformer en château. Il faudra attendre 1271 pour que les musulmans s’emparent enfin de cette caserne au glacis impeccable. Certains angles surprennent. Où sommes-nous ? Les traces du style gothique français sont légion. Là sous une voûte, ici dans la découpe ciselée d’une fenêtre. Petit coup d’œil aux latrines : intimité limitée. Belle balade à faire sur le chemin de ronde de tour en tour. Notre préférée, la tour carrée. Au resto du krak, après un Ugarit Cola, on s’essaie à un chich taouk entre deux meurtrières (à gauche pour les gauchers, à droite pour les droitiers, bien vu) en compagnie de plusieurs touristes japonais.

Entre deux éboulis rocheux sur la route, on poursuit notre chemin vers le château de Saladin (1138-1193) à 35 km de Lattaquié. Il apparaît majestueux au milieu des pins. L’odeur vous saisit. Et l’on voit ce pic, cette pointe, que dis-je, cette péninsule, qui surgit et sur laquelle s’appuyait autrefois le pont-levis qu’on relevait en cas d’attaque. Ingénieux, non ? Avec ces deux châteaux, on esquisse les politiques conquérantes du Moyen Âge où l’imaginaire de défense est unique à chaque lieu. De loin, le plus vaste des châteaux médiévaux (5 ha) paraît imprenable (ce qu’il fut très longtemps !). Saladin reste une figure du monde arabe, pour ses victoires sur les croisés déjà, mais aussi pour ses marques de tolérance au combat. On se faufile dans le grand fossé creusé dans la roche après l’à-pic rocheux. Imaginons juste un instant la création de ce fossé… Un travail titanesque ! Les écuries, le donjon défilent, superbement rénovés. Puis le hammam avec ces mouqarnas tout islamiques en médaillon au-dessus des portes. Le raffinement et le détail impressionnent toujours. On devine aussi le système d’évacuation des eaux et l’on frémit face à l’écho de la citerne voisine, gigantesque (on y tournerait bien une excellente scène traumatisante de 24 h chrono ou d’un James Bond !).

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