L’autre versant de la Patagonie

Le versant pacifique de la Patagonie chilienne se révèle être un redoutable labyrinthe pour le marin et le voyageur. Côtes hachurées par des milliers de fjords abrupts et austères, dominées par l’immense muraille de la cordillère des Andes. Canaux pluvieux baignés par des eaux glaciales et fouettés par des vents venus du purgatoire. Littoral morcelé et découpé à l’infini par une myriade d’îles et d’îlots sauvages. Voilà une fin de continent qui a certainement été la cible d’un dieu un peu fou. Elle se réduit à des lambeaux de terre couverts de forêts sombres et d’une beauté prenante. En apercevant du pont de sa caravelle, un jour de décembre 1520, cette terre inconnue à l’aspect sévère et inhospitalier, Fernand de Magellan inscrivit sur la carte encore vierge et blanche : Tierras de Diciembre, Terres de Décembre.

Le terme « Tierra de Dizembro » apparaît de fait pour la première fois en 1523 sur la carte de Turin. Le marin portugais, qui naviguait pour le compte de la couronne d’Espagne, venait de découvrir le fameux passage permettant aux Européens de relier l’Atlantique au Pacifique. Il accomplissait d’une certaine manière le rêve inaccompli de Colomb qui voulait gagner les Indes par la route de l’ouest. En réalisant ce qu’aucun homme n’avait jamais osé entreprendre avant lui, un authentique tour du monde, Magellan prouva que la terre était bel et bien une boule, et non une énorme plaque horizontale flottant dans l’éther. Là aussi, Magellan confirma les spéculations de Colomb et les intuitions d’Aristote, partisans de la rotondité de la terre. Le lendemain de ma rencontre avec Coloane, j’ai quitté Santiago du Chili et suis parti vers le grand Sud chilien, vers ces « Terres de Décembre ». (...)

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