Tsars et paysans

Le matin, à l’aube, le ciel est zébré de rose. Nous rejoignons le lac Blanc dont on ne voit pas les rives, véritable mer de 14 000 m2, ancien lieu de pêche du tsar, pour arriver sur les rives de Goritzy, petit port aux maisons en bois. De là, un car conduit au monastère fortifié de Saint-Cyrille du lac Blanc, le plus vaste de la Russie, où les fresques et les trésors du XIVe siècle russe nous parlent de batailles et de légendes. La fille de Boris Goudonov, la princesse Xénia, y fut exilée ainsi que plus tard, en 1730, la jeune fiancée de quatorze ans du tsar Pierre II.

Le rythme est pris pour arriver à Yaroslav. Cette ancienne cité, située au confluent de la Volga et de la Kotorosl, fut fondée par Iaroslav le Sage en 1010. On se rend à l’église du Prophète Élie, l’une des merveilles de l’art russe du XVIIe siècle pour ses 80 fresques, et au monastère de la Transfiguration du Sauveur avec sa très célèbre bibliothèque. Bien entendu, je me ferai remarquer en disparaissant du groupe pour visiter toute seule et me faire ouvrir, avec force gestes, les portes des salles du petit musée municipal.

Des vitrines poussiéreuses et pleines de charme racontent les cinquante dernières années politiques de la ville. Rue Kirov, le marché kolkhozien, véritable bazar des pays de l’Est, étale des cuirs, des chaussettes de laine triple épaisseur, du miel non raffiné avec des gâteaux en alvéoles, des vêtements acryliques, quelques légumes et poissons séchés. Un magnifique chapeau en lin, digne des réceptions des derniers Romanov, finira dans mon sac à dos avec des bougies en cire colorée acquises pour une obole devant les innombrables icônes. Dès qu’on s’échappe du groupe, les rencontres se font, et on a tout juste le temps de retrouver le bateau qui démarre.