Les îles magiques

Nous sommes en Carélie et empruntons le Svir, rivière reliant deux lacs : Ladoga, le plus grand d’Europe, sur 18 000 km2, et Onéga, que nous traversons de nuit par petite tempête… À l’aurore, tout le monde a l’ordre d’être sur le pont. Les yeux écarquillés, par grand froid, on aborde la petite île de Kiji, dans le Grand Nord russe. Elle servait de relais aux marchands de Novgorod qui se dirigeaient au XIVe siècle vers la mer Blanche d’où ils apportaient fourrures et ivoire de morses.

La lumière s’étend sur un paysage infini, noyé entre l’argent polaire du lac, la verdure crue et les bouleaux blancs sous le vent. La cohorte débarque, en silence. Finalement, elle prend l’allure d’un de ces nombreux pèlerinages muets qui depuis des siècles se rendent à Kiji, classé au patrimoine de l’humanité par l’Unesco. L’église en bois de la Transfiguration du Seigneur, construite en 1714 sans un seul clou, est l’une des plus surprenantes de toute la Russie. Surmontée de 22 bulbes, elle est recouverte de tuiles ou « essaules » en bois de tremble. La visite du musée ethnographique et du sauna rustique, où les Russes se fouettent avec des orties, me font oublier le retour sur le bateau. Pour une fois, je ne rouspète pas.

Entre le réservoir de Rybinsk et le lac Onega, on emprunte l’impressionnant couloir du canal Volga-Baltique dont les écluses permettent un dénivelé de 140 m, dans l’un des paysages les plus sauvages de tout le voyage. Même pendant la nuit, on rêve au trajet du bateau dont le ronron ininterrompu nous rassure.