Quand la taïga défile

Déjà on croise des péniches chargées de troncs d’arbres, puis le rideau interminable de la taïga, tissé de bouleaux, de sorbiers et de taillis s’étend enfin sous mes yeux émerveillés. La froideur des couleurs du Nord me rappelle ma famille norvégienne. Devant quelques petites isbas en bois rouges, des pêcheurs cuisent dans la cendre à même la terre le poisson économiquement recherché. J’imagine sans peine les nombreux animaux sauvages qu’abrite la taïga. Ne parle-t-on pas du marché des peaux d’ours, à 400 € la pièce ? Il y en a bien 40 000 dans la taïga, dont les nombreuses réserves naturelles comptent parmi les plus sauvages de l’Europe. Irkoutsk est encore à des milliers de kilomètres plus au Nord.

Sur le bateau, les conférences et les animations vont bon train jusqu’au soir. Les gens ont fini par me considérer comme une solitaire et ne me posent plus de question. Il suffit de prendre des notes, ça les intimide ! La lecture du Routard Moscou-Saint-Pétersbourg constitue un excellent condensé de l’histoire compliquée de la Russie, des arts et des lettres. Et pendant le dîner en tête-à-tête, le paysage magique se noircit par la vitre, animé par quelques fumées isolées émanant du « continent ».

On accoste à Svirstroy et découvrons que d’autres bateaux-croisières identiques sont à quai. On nous recommande de fermer les fenêtres, car les jeunes voleurs sont fréquents ici. Le seuil de pauvreté d’un Russe est de 60 € par mois… Descendons dans le centre touristique, clôturé, où les sculptures en bois, le lin, les poupées russes et les châles colorés sont moins chers que sur le bateau. M’échappant par derrière, j’ai le temps d’arriver à un « vrai village », où les babouchkas offrent le thé, et où je trouve un bouquet de fleurs sauvages qui fera bel effet dans ma cabine.