Les nomades du Changthang au Ladakh
Un moment au paradis
17 h, le jour tombe sur Thukjé. Dans la lumière du soir, le village poussiéreux
reprend ses airs de paradis. Ruisseaux scintillants, parois rougeoyantes, reliefs
aux tons lactés, rosés ou mordorés... Singh Doma, ragaillardie par quelques
tasses de thé, repart en dodelinant, sa longue natte grise dans le dos, ses
belles boucles de turquoise aux oreilles, ses drôles de baskets chinoises au
pied. Sonam, lui, reste partager un repas composé de tsampa (farine d’orge)
et de fromage de chèvre frais. Assis au coin du feu, sa carrière de nomade derrière
lui, le vieil homme est heureux. Heureux d’entendre parler du monde dans cette
région reculée, ouverte au tourisme depuis à peine dix ans (et encore très peu
fréquentée). Heureux de dire sa vie, la récolte de sel à l’automne, la tonte
des chèvres au printemps, la lente fabrication du beurre dans des outres de
peau, ses doutes face aux nouvelles constructions initiées par le gouvernement
pour favoriser l’implantation de familles - et effectuées par des ouvriers
népalais pour 130 roupies par jour (2,50 €).
Un peu plus loin sur le Changthang, à quatre jours de marche, le Tso Moriri
vibre aussi intensément. Selon l’heure, le vent, le reflet des nuages, les couleurs
de ce grand lac perché à 4 520 m d’altitude se nuancent : bleu
intense, vert amande, teinte ciel ou argentée... Nul doute que la petite fille
de la légende, perchée sur sa montagne, ne cesse jour après jour de goûter à
la beauté du spectacle, la sérénité de l’air, la plénitude de l’instant.
Texte : Réjane Ereau
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