Les nomades du Changthang au Ladakh
La légende du lac Tso Kar
Sonam Amchu a 75 ans. Bon pied, bon œil malgré son âge, il est l’un des
rares occupants du village du Thukjé (« merci » en tibétain), petit
hameau poussiéreux situé à 4 270 m au pied du lac Tso Kar. « En
cette saison, nous sommes seulement quatre habitants, explique-t-il d’un
air malicieux, la langue glissée entre ses (mauvaises) dents. Trois vieux
et moi ! Tous les autres sont montés aux estives, ils ne reviennent que
pendant l’hiver. » Pour passer le temps, Sonam tisse un peu de laine,
cultive quelques légumes, répète inlassablement son mantra Om mani padme
um[Ndlr : invocation bouddhiste signifiant « ô toi, joyeux de
la fleur de lotus »]... et s’invite volontiers sous la tente pour partager
un thé salé au beurre de yak et échanger quelques histoires.
« Autrefois, il y a bien longtemps, cette région était un paradis composé
d’un village et d’un bel océan, aime-t-il à raconter (sans jamais cesser
de faire tourner son moulin à prières). Un jour, le dieu qui veillait sur
la région décida d’apparaître sous la forme d’un moribond. Tous les habitants
le rejetèrent à coups d’injures et de pierres. Tous, sauf une petite fille.
Furieux de cet accueil, il aspira l’océan. Quelques gouttes tombèrent de son
nez, formant le Tso Kar. Puis il dit à la petite fille que quelqu’un l’attendait
sur la montagne. Quand elle fut sur les hauteurs, il recracha une partie de
l’eau, engloutissant les méchants villageois et créant, un peu plus loin, le
lac Tso Moriri. »
Texte : Réjane Ereau
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