Les nomades du Changthang au Ladakh
Laine douce pour terre extrême
Malgré tout, les Changpa du Ladakh semblent farouchement attachés à leur existence.
Depuis les années 1960, leur nombre a même augmenté, du fait de l’arrivée,
par-delà les montagnes, de nomades tibétains fuyant l’envahisseur chinois - pas
tant semble-t-il pour des raisons idéologiques que pour échapper à la sédentarisation
et la modernisation forcées. Une volonté de vie simple et sobre qui, sous un
climat hostile, peut parfois coûter cher : « En 1998, plus
de 35 000 animaux et 2 500 nomades se sont retrouvés bloqués
dans les montagnes par d’énormes chutes de neige, se souvient avec émotion
Singh Doma, 71 ans, le mala serré entre ses doigts déformés. Les
familles ne disposaient pas de chaussures, ni de vêtements suffisamment chauds.
Les combustibles et les réserves de nourriture étaient épuisés. Par manque de
fourrage, les bêtes mouraient de froid ou de faim. Personne n’arrivait à faire
face. » Quand on sait qu’en hiver, les vents glaciaux font vite chuter
la température à - 30 ou - 40 °C...
Pourtant, certains murmurent que les nomades ne seraient pas à plaindre. « Le
commerce du lait et du beurre de yak, ainsi que celui de la laine de chèvre,
leur assurent de très bons revenus », commente Lobsang Tsering, jeune
étudiant tibétain. Car oui : les peuples du Changthang sont les heureux
éleveurs de chèvres pashmina, dont sont issus les très prisés châles et pulls
en cachemire. « Ce qui a de la valeur, précise Lobsang, c’est
le duvet de poils fins et souples qui protège les bêtes du froid en hiver. Les
nomades ne le tissent pas. Ils se contentent de l’ôter à la brosse ou à la cisaille
au moment de la mue, puis le vendent à des grossistes. Pendant longtemps, l’ensemble
de cette matière première était expédiée au Cachemire (d’où le nom donné
aux vêtements), mais le Ladakh dispose depuis peu de sa propre usine de tissage. »
Texte : Réjane Ereau
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