La fièvre de Kuala Lumpur
L’effervescence sino-indienne
En continuant son itinéraire dans l’un des innombrables « bas-mini »,
ces mini autobus d’un rose délavé qui desservent le centre-ville, on arrive
peu à peu à Central Market. Fondé au milieu des années 1930
à la jonction de Jalan Benteng et de Lebuh Pasar Besar, ce marché a échappé
à la démolition pour être transformé en un centre commercial et culturel au
milieu des années 1980. Ses étals de poisson, de viande, de fruits et de
légumes ont ainsi laissé place à des boutiques d’art et d'artisanat où observer
ici un sculpteur sur bois, là un peintre sur batik. L’endroit, aussi, où se
faire dire la bonne aventure !
Au Sud, voilà Chinatown. L’après-midi touche à sa fin. C’est le début du grand
déballage sur la Jalan Petaling ! Dans un bruit étourdissant et
au milieu d’une foule grandissante, des cartons d’imitations en tous genres,
remplis de montres, de sacs, de tee-shirts et de chaussures, sortent d’on ne
sait où. Le marchandage commence à faire fureur sous ce long passage couvert
éternellement encombré. Dans les trucs et astuces à connaître pour faire des
affaires, pas de précipitation ! En effectuant tout d’abord un repérage
général, son portefeuille soigneusement rangé, on remarque en effet très vite
que les mêmes produits sont à vendre un peu partout, mais à des prix très variables.
Mieux vaut ensuite demander à son interlocuteur de fixer un premier prix pour
le lui faire baisser en faisant semblant de partir. Bien souvent, il vous retient
par la manche pour conclure la transaction ! Les touristes sont particulièrement
nombreux à se prendre au jeu du marchandage en ringgits. Mais attention à la
douane au retour. Une grande partie de ce commerce est interdit et répréhensible
puisqu’il s’agit principalement de copies de marques de sport et de luxe. On
peut, d’ailleurs, s’interroger sur l’existence parfaitement organisée d’une
telle économie souterraine. À croire que les autorités ferment les yeux sur
ce trafic parallèle. Pour éviter les ennuis, mieux vaut acheter un bol de soupe
aux nouilles ou un panier de fruits exotiques. Là, au moins, tout est vrai et
on ne risque rien !
Au bout de cette rue pittoresque, la façade et le toit du Chan She Shu
Yen sont remarquables pour leurs décorations en bas-reliefs. Bâti par
les premiers chercheurs d’étain, il ne s’agit pas d’un temple à proprement parler,
mais d’un kongsi du clan des Chan devenu le centre social et religieux
du quartier où les Chinois viennent lire et prier. Un lieu où discuter avec
eux en évitant d’aborder les sujets qui fâchent, comme le niveau de vie ou l’ère
coloniale. Pour les Hindous, il existe un endroit comparable en remontant la
Jalan Tun H.-S. Lee, le sanctuaire Sri Mahamariamman, le plus ancien
du pays. Un édifice aux fines sculptures colorées surmonté d’une immense « montagne
des dieux ». Enfants et vieillards viennent s’y distraire et s’y recueillir
dans une grande salle de plein air.
Au Nord, voilà Little India. La nuit commence à tomber sur la
Jalan Masjid India et la Lebuh Ampang. Mais le commerce continue ! Les
tissus multicolores des saris et des sarongs changent de ton, les bijoux en
or brillent d’un nouvel éclat, l’encens brûle à en piquer le nez, les herbes
médicinales et les épices, tel le curcuma, se vendent à l’envi. Sans parler
du riz au curry, du poulet tandoori, du lassi à la rose et du thé au gingembre !
Encore une fois, le lieu de culte se situe au cœur même de l’animation. La rue
tire d’ailleurs son nom de la mosquée qui se trouve à l’entrée.
Texte : Marie Langlade
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