À Prague, sur les traces de Chatwin
Des frontières floues entre la réalité et la fiction
Utz n’est-il qu’un personnage fictif ? On en doute tant le roman abonde
de détails et paraît cohérent... Quelques années après son expérience pragoise,
Bruce Chatwin témoignait : « Ce livre est un mémoire de choses
qui me sont arrivées à Prague. J’ai rencontré là-bas un éminent collectionneur
de porcelaines de Meissen. Il avait réduit ses horizons à ses meilleurs amis,
des statuettes de quelques centimètres de hauteur ». L’homme que Chatwin
rencontre en réalité ne s’appelle pas Utz, mais Just (très proche en tchèque !).
L'homme est un fervent collectionneur, tout comme l’écrivain, qui interrompt,
en 1966, une brillante carrière au sein de Sotheby's, célèbre maison londonienne
de vente d’objets d’art aux enchères. À l’image de Prague, dont les statues
racontent indifféremment l’histoire comme la légende, Chatwin mélange fiction
et réalité dans son roman. 1989... Rien ne laisse supposer qu’à la fin de l’année,
le régime communiste s’effondrera en Tchécoslovaquie. Chatwin tente-t-il, en
brouillant volontairement les pistes, de protéger Just et sa collection du régime ?
Ou bien a-t-il le pressentiment d’un danger plus grand ?
Utz est rempli de fausses pistes, mystifications souvent mystiques qui vont
à Prague comme un gant. Car à ne pas s’y tromper, le personnage principal du
roman, c'est bien Prague.
Texte : David Alon
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