Un article interessant … même s’il date un peu (2016)
Un rituel a lieu parmi les huttes qui s’élèvent dans la savane de Namibie, alors que tout un village himba se réjouit en cercle sous un ciel éclatant. À quelques mètres de là, une équipe de tournage capte la scène, contente d’immortaliser une cérémonie fidèle au tableau que l’Occident se fait de l’Afrique: pure, primitive, folklorique, figée dans le passé.
«Ces deux-là doivent enlever leur T-shirt. S’ils refusent, qu’ils partent», exige sèchement le réalisateur. Ces habits modernes, portés par deux Himbas, jurent dans le dessin.
«L’homme blanc demande que tu enlèves ton T-shirt», va demander le traducteur.
Et les deux fautifs de s’éloigner…
C’est à cette recherche d’une image conforme à nos pré-jugés que s’attaquent Marijn Kraak, Reimer van Tuinen, Karel Poortman dans Authenticized. Les Himbas, peuple aux coutumes ancestrales à qui on refuse le droit d’épouser la modernité, voient défiler des norias de caravanes charriant touristes, caméramans et photographes, qui agissent tous, ou presque, comme s’ils étaient des consommateurs plutôt que des visiteurs – avec tout le sans-gêne que cela implique.
«C’est comme s’ils vivaient dans une cage de verre, enfermés dans un zoo.»Ted Scott, directeur du développement de la Namibian Broadcasting Corporation, à propos des Himbas en vedette dans le film Authenticized
«Nous voyageons vers ces tribus dites primitives […] pour clarifier qui nous sommes, pour renforcer nos propres valeurs culturelles en les opposant à quelque chose qui leurs sont en tout point contraires, a expliqué à Métro Mme Kraak, anthropologue de formation. Ce faisant, nous ne voyons que ce que nous voulons voir.
«Le voyageur occidental ou asiatique a l’habitude du tout inclus, poursuit-elle. Les cultures, les traditions et les peuples n’échappent pas à ce pré-emballage. Les gens assument que s’ils ont payé, ils n’ont plus besoin de demander de permission.»
C’est ainsi que les touristes, sitôt débarqués chez les Himbas, s’engouffrent dans leurs huttes, canardent leurs enfants du bout de leur Kodak, s’offusquent qu’on leur exige un paiement… et puis s’en vont, l’appareil rempli de souvenirs – que certains revendront à prix d’or en Europe ou ailleurs, après les avoir payés des broutilles en Namibie.
«Il y a tellement de Himbas qui sont fatigués des promesses brisées et des contrats nons respectés», a expliqué Mme Kraak, précisant toutefois que les Himbas participent également à la commercialisation de leur image pour gagner un revenu.
*Les Himbas, dépendants de l’argent que leur procure le tourisme, sont à la croisée des chemins. Doivent-ils continuer à commercialiser leur folklore ou embrasser la culture dominante, quitte à y perdre l’essence de ce qui les distingue?*Ce peuple mérite mieux que quelques heures d’une visite exotique. Restez un peu ! Aidez-les quelques jours à travers certaines ONG qui sauront vous guider vers des projets plus enrichissants …