L'augmentation
de densité de population au pied des volcans est un sujet constant
de préoccupation. Le Vésuve, qui fit 2 000 victimes
en l'an 79, en ferait aujourd'hui 200 000 ! Mais plus les volcans
dorment longtemps, moins les pouvoirs publics financent la surveillance.
Les vulcanologues endossent une responsabilité terrifiante :
il s'agit non seulement d'être capable d'envisager les éruptions
et leurs conséquences, mais aussi de convaincre les pouvoirs publics
de faire, ou non, évacuer les foules. Voici l'histoire de quelques-uns
de ces risque-tout de la science, sauveurs d'hommes au péril de
leur vie.
La
passion d'Haroun Tazieff
Né le 11 mai 1914 à Varsovie d'un père russe qui
meurt au combat la même année, Haroun Tazieff émigre
en Belgique avec sa mère. Après avoir servi dans l'armée
belge, puis dans la Résistance en 39-45, il sera ingénieur
agronome, ingénieur géologue, chargé de cours à
l'université de Bruxelles, à la fac des sciences de Paris
et à celle d'Orsay, directeur de recherche au CNRS, président
du conseil scientifique de l'Institut de volcanologie (Rome, Catane, Pise),
responsable du service volcanologique de l'Institut de physique du globe
de Paris et même secrétaire d'État auprès du
Premier Ministre… Tout un programme !
« Cette
passion l'emportait parfois un peu loin, et ses interlocuteurs avec
lui. Ainsi à Rome, (…) il avait parlé une heure sans
reprendre haleine de ses descentes dans les cratères et du délicieux
parfum de soufre qu'il y humait, manquant de peu de voir son avion lui
filer sous le nez. »
François Labande
C'est
l'éruption du Kituro en 1948 qui détermina sa passion pour
la volcanologie. Il se lance dans l'étude des éruptions
« sur le vif ». Dès lors, il sillonne le
monde, en véritable vagabond des sciences, de la Vallée
des dix mille fumées en Alaska, au volcan Afar en Éthiopie,
en passant par l'Erebus en plein Antarctique. Ses nombreux récits
d'exploration (Cratères en feu, 1951) et ses films (les
Rendez-vous du diable, 1958) eurent un succès mondial. Il effectua
des mesures et analyses de gaz parmi les meilleures jamais obtenues et
conçut des instruments que les scientifiques utilisent encore.
Avec acharnement, il s'attela à promouvoir toutes les méthodes
possibles afin de prévenir les catastrophes naturelles. Haroun
Tazieff, mort à Paris en 1998, inventa la volcanologie moderne
et suscita de nombreuses vocations…
Chronique
d'une mort (presque) annoncée
Maurice Krafft fut très tôt piqué par le virus du
volcanisme. Dès l'âge de sept ans, son père l'emmène
crapahuter sur le Vésuve, l'Etna et le Stromboli. Les films d'Haroun
Tazieff renforcent sa détermination. À quinze ans, il entre
à la Société géologique de France et organise
sa première expédition à vélomoteur sur les
volcans du Massif central. En 1964, Maurice rencontre Katia, née
Conrad, sur les banc de l'université de Strasbourg. À l'époque,
la volcanologie française est presque inexistante. Une science
de farfelus. Habités par la même passion, ils se marient
en 1970, puis fondent un centre d'études. En novembre 1990, Maurice
déclarait dans le magazine Géo (n° 141) :
« Aucune chance de salut pour celui qui est pris dans des
nuées ardentes (…) ». En 1991, le Pinatubo
(Philippines) menace 15 000 personnes qui vivent en contrebas et
quelque 500 000 autres dans les environs. Un film sur les risques
volcaniques, réalisé par Maurice et Katia, sera diffusé
dans les villes et les villages. Grâce à eux, les habitants
seront évacués à temps. La même année,
le 3 juin, Katia et Maurice périssaient ensemble, piégés
par les nuées ardentes du volcan Unzen. Les déclarations
de Maurice dans Géo, à peine un an plus tôt,
résonnent sinistrement depuis lors…
« Le
tour du monde me fascinait moins que le rêve d'un voyage au centre
du globe. »
Maurice Krafft
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