Guatemala, sous le signe du volcan
Le lac Atitlán, le plus beau du monde ?
Trois heures de bus Rebulli et le panorama change. Dévalant des hauteurs de Sololá, la carcasse brinquebale vers une cuvette d’éruption veillée par trois cônes majestueux — trois, vous avez bien lu ! C’est le lac Atitlán et, de droite à gauche, jouant avec les nuages, les volcans San Pedro, Tolimán et Atitlán. Ce dernier, le plus haut, culmine à 3 537 mètres.
Sur les pentes fertiles se blottissent douze villages indiens, où l’on parle trois langues au moins. Chacun s’habille de ses propres couleurs, tissées par les femmes en châles, huipiles (corsages) et autres sarapes (ceintures). Rose, pourpre, violet, bleu, rouge, orange, turquoise, les teintes s’entrechoquent et se mêlent selon des motifs ancestraux symbolisant des clans, des filiations, des fidélités. Il en existe près de 250 à travers le pays, imposés jadis par les colonisateurs pour éviter que leurs serfs ne s'échappent de l'encomienda — les domaines remis aux conquistadores en remerciement de leurs bons et loyaux services.
De Panajachel, la capitale touristique des lieux, alias Gringotenango, on vogue le matin vers Santiago Atitlán, la métropole du lago, blottie sur la rive sud, entre deux des mastodontes. Il s’y tient, bien logiquement, l'un des marchés les plus hauts en couleurs du Guatemala. On y rencontre aussi un drôle de personnage : Maximón. Hébergé chez l'alcalde, qui officie parallèlement au maire élu, cet étrange personnage de bois et de chiffons, émanation de l'ancienne divinité maya Mám, incarne tout à la fois l'Antéchrist et le Judas bienfaiteur.
On lui prête tous les pouvoirs et tous les vices. Certains croient en ses facultés de guérisseur et le prient d'intercéder en leur faveur. D'autres le soupçonnent de violenter leur femme et le méprisent… Une bouffée de fumée de cigare lancée au visage et un verre d'alcool, bu par son serviteur, attirent sa bénédiction. Demandez-lui la vengeance, demandez-lui la protection de votre cheptel, il vous exaucera. Pour quelques quetzales, bien sûr.
Texte : Claude Hervé-Bazin
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