Lamu, la petite Zanzibar
Au gré de l'archipel
Le lendemain, c’est en boutre à moteur que l’on rejoint Shela, la plus belle des plages de Lamu. L’eau y est turquoise et chaude. Les langoustes grillées, fraîchement pêchées, dégoulinent sur le menton en un jus acidulé tandis que les touristes rougissent sur leur oreiller de sable blanc.
Il manque quelque chose, pourtant. Il manque le regard de ces femmes entrevues hier, qui se sont découvertes pour fumer leur cigarette, une fois au large ; il manque ces jeunes filles qui ornaient leurs pieds de motifs géométriques au henné, dans une cour aux regards dissimulés ; il manque le vent de l’océan et l’esprit des secrets bien gardés. Les voiles qui se profilent dans le chenal appellent à une nouvelle virée, vers l’île voisine de Manda et, pourquoi pas, les ruines de la cité de Takwa, entièrement tournée au soleil de La Mecque.
Au-delà, il y a les mystères de Paté, qui régna en maîtresse absolue sur le monde swahili décrit par Ibn Batouta, île millénaire et oubliée où brillaient l’or des bijoux et les enluminures des Corans. Voguant sous le soleil éblouissant, on se sent un instant investi de l’âme d’un autre voyageur, qui explora sans fin les mêmes confins, à l’aube du XXe siècle : celui que les Arabes nommaient Abd el Hai, « l’esclave du vivant », l’écrivain aventurier Henry de Monfreid, qui rendit aux boutres et à leurs marins le plus beau des hommages.
Texte : Claude Hervé-Bazin
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