Les mirages de Dubaï
L’envers du décor
Heureusement, Dubaï ne se résume pas à ses centres commerciaux, ses projets
pharaoniques souvent inhumains et son trafic de plus en plus chaotique. Le visage
traditionnel de Dubaï se découvre assez facilement, à condition de le chercher :
derrière les portières des 4x4 de luxe, où se cache invariablement un Émirati
en costume traditionnel (la dishdasha) ; dans les tentes qui poussent
chaque soir pour la rupture du jeûne du ramadan ; dans les
vieux souks de Deira ou de Sharjah, l’émirat voisin plus conservateur
et donc plus préservé, où l’on reprend vite les réflexes du marchandage oubliés
dans les « malls » ; à bord des abras, petites embarcations
traditionnelles qui traversent la Creek pour 50 fils (12 centimes
d’euro) ; ou en fumant la sheesha à l’une des nombreuses terrasses
disséminées dans la ville.
C’est surtout son caractère multiculturel qui fait de Dubaï une étape intéressante
pour le pérégrin qui s’y arrête. Le « Dubaï business » s’est
construit et fonctionne en effet grâce à l’immigration : avec près de 80 %
de la population expatriée, dont 50 % d’origine indienne, visiter Dubaï,
c’est aussi ressentir ces influences toutes proches. Dans une joyeuse cacophonie,
l’appel à la prière du muezzin se mêle aux méditations sorties du temple
hindou de « Bur Dubai », à peine dissimulé au bord de la Creek.
Les influences du sous-continent indien et de l’Asie se retrouvent aussi dans
les assiettes. Samossas et parottas indiens arrosés d’un lassi
bien frais, rotis sri-lankais, pan de sal philippins disputent
les palais aux falafels turcs, mezzes libanais ou sandwichs au
caviar iranien. Ces mélanges culminent dans ce que certains linguistes appellent
déjà le « dinglish », ou « Dubai english », sorte de novlangue
où l’anglais se mâtine de mots et expressions issus de l’hindi, du persan et
de l’arabe.
Texte : Patrick Jourdain
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