Les mirages de Dubaï
La vision des Sheikhs
On ne reconnaît plus la sordide côte des pirates décrite par l’explorateur
britannique Wilfred Thesiger lors de ses voyages dans le désert des déserts
tout proche. Les quelques photos jaunies de Dubaï exposées au musée fondation
Sheikh Saeed Al Maktoum (dans le quartier de Bur Dubai) montrent l’ampleur des
changements. La petite cité bâtie par les pêcheurs de perles autour du Khor,
rebaptisée « The Creek » (la Crique) par les Anglais à leur arrivée en 1820,
s’est métamorphosée. La découverte du pétrole, en 1958 au large d’Abu Dhabi,
a évidemment changé la donne. Mais c’est surtout la vision de Sheikh Zayed qui
a imprimé un nouvel élan. Musulman ouvert et libéral, il décide en 1971
de faire des sept émirats un pays uni et moderne en les amarrant à la richesse
pétrolière d’Abu Dhabi : les Émirats Arabes Unis sont nés.
À Dubaï, cette vision est soutenue par la dynastie des Al Maktoum. Les perles,
dont la récolte a jusque-là fait vivre Dubaï, se raréfient et les Sheikhs décident
de construire en une génération ce qui en a demandé des dizaines en Europe :
une ville-état dont les intérêts seront gérés comme ceux d’une multinationale.
Face à la hantise d’un épuisement des réserves de pétrole (prévu par les plus
pessimistes à l’horizon de 2010), il s’agit de faire de Dubaï une nouvelle
Hong Kong. Le constat est simple : l’émirat est au centre de chemins
de commerce parmi les plus dynamiques de la planète, entre Europe, Moyen-Orient
et Asie. Plus de 1,5 milliard d’habitants habitent à moins de trois heures
d’avion.
Le succès du Dubaï Shopping Festival, créé en 1996 dans l’idée d’en faire
un gigantesque marché régional annuel, ne se dément d’ailleurs pas (quatre millions
de visiteurs en 2003). Attirer cette manne avec des projets toujours plus
délirants, la transporter (en lançant sa propre compagnie aérienne, Emirates),
la loger sur place (hôtels 5 et même 7 étoiles !), et lui faire
dépenser son argent (plus de 40 centres commerciaux), tels sont les ingrédients
d’un modèle économique qui tourne à plein régime.
Texte : Patrick Jourdain
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