La Sardaigne insolite et secrète

La Sardaigne insolite et secrète
Fresque à Orgosolo © MNStudio - Shutterstock

La Sardaigne ne se résume pas à un chapelet de criques paradisiaques, à sa tapageuse Costa Smeralda, à Cagliari et à des heures de trekking arrachées au maquis pour gagner la fraîcheur d’une grotte…

Il existe une Sardaigne encore méconnue, superbe et farouche, complémentaire à celle évoquée ci-dessus. Une Sardaigne pleine de surprises que nous avons délibérément choisi d’aborder par le biais de figures artistiques ou politiques, connues ou méconnues, de cette île restée (trop) longtemps coupée du monde… Andiamo !

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Quand Pinuccio Sciola faisait le mur à San Sperate

Quand Pinuccio Sciola faisait le mur à San Sperate
Fresque à Orgosolo © Eric Milet

La Sardaigne est certes réputée pour la beauté de ses plages, l’opiniâtreté de ses bandits et les frasques berlusconiennes de la Costa Smeralda, mais elle est aussi célèbre pour la qualité des peintures murales qui ornent ses nombreux villages. Aujourd’hui, ce sont plus de 70 villes ou villages, parfois même de simples hameaux, totalisant plus d’un millier de peintures murales qui attirent l’œil des voyageurs.

À l’origine de ce mouvement muraliste (préparez vos selfies), un homme : Pinuccio Sciola, natif de San Sperate, village agricole réputé pour sa production de pêches et de brugnons, situé à une vingtaine de kilomètres au nord de Cagliari.

À la fin des années 1960, de retour d’un voyage au Mexique durant lequel Sciola rencontrera David Alfaro Siqueiros*, l’artiste sarde commence à enduire les murs de son village pour pouvoir dessiner dessus. Son objectif : faire sortir l’art du musée. San Sperate se pare alors de nombreuses fresques dans une démarche purement artistique.

Giardino Sonoro © Eric Milet

Dans le milieu de la décennie suivante, l’idée trouvera résonnance dans le village reculé d’Orgosolo, mais à la différence de San Sperate, les fresques d’Orgosolo traduiront l’héritage d’un fort militantisme.

San Sperate revêt aujourd’hui l’allure d’un véritable musée en plein air, avec plus de 260 fresques murales, ponctuées çà et là de sculptures de l’artiste. Mais c’est surtout son Giardino Sonoro qui a attiré notre attention. Un jardin qui rassemble 700 de ses sculptures, dont certaines émettent de curieux chants dès qu’on les effleure.

* Les amoureux du Mexique reconnaîtront là celui qui, avec Orozco, Tamayo et Diego Rivera, fut l’une des grandes figures engagées du muralisme mexicain. Activiste politique communiste, staliniste de la première heure, il tentera d’assassiner Léon Trotsky.

La Barbagia et l’Orani de Costantino Nivola

La Barbagia et l’Orani de Costantino Nivola
Eglise d'Orani peinte par Costantino Nivola © Eric Milet

Perdu au cœur de la Barbagia, parmi les nuraghi et les tombeaux des géants, Orani a vu naître de nombreux artistes qui se sont distingués dans la peinture, la littérature ou la mode. Mais le plus emblématique est sans nul doute Costantino Nivola, cet apprenti tailleur de pierre, devenu l’un des plus grands peintres-sculpteurs et designers italiens du 20e siècle.

La Sardaigne lui a dédié un musée. Ce natif d’Orani, contraint de fuir le fascisme à la veille de la Seconde Guerre mondiale pour avoir épousé une femme juive (Ruth Guggenheim), passera toute sa vie aux États-Unis. Ami intime de Le Corbusier, Nivola se distinguera en aménageant le show-room de la marque Olivetti à New York en 1954. Une notoriété qui lui permettra d’enseigner à Harvard, puis à Columbia.

Le très beau musée, aménagé dans l’ancien lavoir de la ville et dont une partie de l’enveloppe est à mettre au crédit de l’architecte Peter Chermayeff, rassemble l’essentiel de ses œuvres (peintures, sculptures, maquettes, affiches) et témoigne de son cheminement artistique.

Mais Orani tout entière voue une reconnaissance immodérée à l’enfant du pays. De retour au bercail dans les années 1950 en compagnie d’un certain Carlo Bavagnoli, jeune photographe encore inconnu à l’époque, Nivola va « customiser » la façade de la chiesa de la Madonna de Sa Istria sous le regard ébahi des habitants. Un moment de bravoure immortalisé par Bavagnoli en une soixantaine de clichés dont les agrandissements ornent encore aujourd’hui les rues de la ville.

Maria Lai et les pignons habillés du vieil Aggius

Maria Lai et les pignons habillés du vieil Aggius
Aggius © Eric Milet

Aggius est une sorte de Saint-Malo modèle réduit échoué à l’intérieur des terres. Une petite ville de granit aux ruelles enchevêtrées plongées dans le silence des siècles (surtout à l’heure de la sieste). Ici, les quelques visiteurs qui arpentent son centre historique recherchent une Sardaigne séculaire.

Car Aggius est certes marquée par la tradition du tissage et de la taille de la pierre, mais également par une activité pour le moins originale : le banditisme. Une activité élevée ici au rang de « sport national » puisqu’un petit musée lui est entièrement voué.

Le maquis d’Aggius fut pendant toute la période espagnole (1479-1700), puis sous le règne de la maison de Savoie (1720-1861), le refuge des célèbres bandits sardes. Des hommes tombés en disgrâce pour échapper à la torture publique ou à la peine de mort et dont les principaux chefs d’accusation étaient de fricoter d’un peu trop près (et sans payer de taxes, évidemment) avec la Corse voisine ou tout simplement de vouloir échapper à l’impôt qui assommait les populations villageoises à l’époque.

Heureusement, les prises d’armes entre carabinieri et banditi ont fini par s’estomper, tant et si bien qu’aujourd’hui Aggius est revenu à son premier amour : le tissage. D’ailleurs la visite du petit musée que la ville lui consacre est un véritable ravissement. Une découverte qui se poursuit dans ses ruelles, ponctuées de textes du poète américain Walt Whitman et scandées de fresques du muraliste Tellas. De leur côté, les pignons des vieilles maisons sont tissés d’œuvres de Maria Lai, l’une des figures les plus originales de l’art contemporain italien du 20e siècle.

Le terrain d’aventure d’Antonio Gramsci à Sorgono

Le terrain d’aventure d’Antonio Gramsci à Sorgono
Sorgono © Eric Milet

Au cœur de la Barbagia, il existe un pays : le Mandrolisai. Centre de gravité de la Sardaigne et pourquoi pas centre du monde. Un pays de vertes collines tressées de vignobles et de ravins obscurs, de forêts de chênes et de villages agrippés à leurs montagnes où l’on dénombre la plus grande concentration de centenaires de toute l’Europe. À Seulo, un petit musée leur est même consacré.

Point focal de ce pays d’éleveurs et de viticulteurs : Sorgono. C’est ici que le jeune Antonio Gramsci* usa ses fonds de culotte à la fin du 19e siècle. Rien de particulier à y faire, mais la ville a gardé quelques vestiges de sa prospérité d’antan : les restes de la Casa Carta, un palais du 17e siècle de style aragonais, le palazzo Pinna, un édifice de style Art nouveau construit à la demande du curé du village au début du 20e siècle et la funtana lei, une fontaine d’origine pisane.

Biru 'e Concas © Eric Milet

À quelques kilomètres plus à l’ouest s’élève l’un des sites pré-nuragiques les plus impressionnants de toute la Sardaigne : Biru ‘e Concas, sorte de Stonehenge ou de Carnac local. Les archéologues y ont dénombré plus de 200 menhirs, ce qui fait de lui le site mégalithique le plus important de toute la Méditerranée.

Dominés par un nuraghe, quelques alignements de menhirs sont encore visibles parmi les chênes-lièges centenaires. Un petit parcours didactique (malheureusement en perdition par manque d’entretien) permet d’en apprécier la richesse.

* Antonio Gramsci (1891-1937) journaliste et penseur, fut un des fondateurs du parti communiste italien. Le régime fasciste le mettra aux arrêts dès 1926. Il restera en prison jusqu’à sa mort et rédigera les Cahiers de Prison, une œuvre monumentale.

La Barbagia de Grazia Deledda

La Barbagia de Grazia Deledda
Museo del costume © Eric Milet

C’est en obtenant le prix Nobel de Littérature en 1926 que Grazia Deledda révèle la Sardaigne à l’Europe tout entière. Riche et vigoureuse, sa plume est l’essence même des crêtes granitiques de la Barbagia ou des vallées sableuses de la Baronnie.

Elle décrit à merveille leurs villages hors du temps, des maisons et de leurs cuisines où il se passe toujours quelque chose. Précisons quand même que cette femme de lettres a écrit ses premiers romans sans jamais avoir quitté Nuoro, sa ville natale.

« L’Athènes sarde » lui rend aujourd’hui hommage à travers un musée aménagé dans la maison qui l’a vue grandir. Mais pour véritablement se plonger dans l’univers de l’auteure, il faut absolument se rendre au 1er étage du museo del costume pour admirer la richesse du vêtement traditionnel sarde.

Su Tempiesu © alex.pin - stock.adobe.com

Enfin pour parfaire son entrée en matière dans l’univers deleddien, rien de tel qu’une petite virée dans le nord de la Barbagia, du côté de Bitti, vers les sites archéologiques de Su Tempiesu ou de Romanzesu. Là-bas, les sources d’eau claire qui jaillissent spontanément de la montagne dans un paysage druidique ont attiré l’homme depuis la lointaine Préhistoire.

Un territoire qui se distingue aussi par la richesse de son patrimoine ethnographique où le travail des femmes (fabrication du pain, tissage) est tenu en très haute estime. Quant aux hommes, adeptes du chant polyphonique (désormais classé au Patrimoine de l’humanité par l’Unesco), leurs vocalises habillent les grottes ou le chœur des églises.

La Maddalena : Giuseppe Garibaldi et le buste oublié de Ciano

La Maddalena : Giuseppe Garibaldi et le buste oublié de Ciano
Plage sur Caprera © Michal - stock.adobe.com

Les îles de La Maddalena constituent une sorte d’émiettement rocheux entre Corse et Sardaigne. Caprera, l’île la plus fréquentée, recèle de nombreux chemins de randonnée balisés conduisant presque tous à des criques d’une grande beauté malheureusement sur-fréquentées en été.

Caprera est aussi l’île que Giuseppe Garibaldi avait choisie pour mûrir son rêve d’unifier l’Italie et passer les derniers jours de sa vie. Il y repose désormais pour l’éternité.

Statue de Costanzo Ciano © alberto maisto - stock.adobe.com

À une encablure de là se détache Santo Stefano, dominée par le Fort de Napoléon (Forte San Giorgio). Véritable carte postale de la Sardaigne avec ses petites plages de sable blanc, ses îlots de granit rose et sa mer aux infinies nuances de bleu, l’île a servi de base navale aux sous-marins de l’US NAVY jusqu’en 2008.

Sur ce petit bout de paradis, dans une ancienne carrière perdue au milieu des broussailles, gît le buste inachevé de l’amiral Costanzo Ciano. Un bloc de granit d’environ 3 m de haut. Cette commande spéciale de Mussolini à l’endroit du beau-père de sa propre fille était destinée à coiffer le mausolée érigé en l’honneur de Ciano sur une colline des environs de Livourne qui devait servir de phare.

La chute du fascisme en 1943 sonnera le glas de cette réalisation fantasque et le buste de l’amiral fasciste ne quittera jamais la carrière de Villa Marina dans laquelle il a vu le jour.

La Sardaigne millénaire de Fabrizio De Andrè

La Sardaigne millénaire de Fabrizio De Andrè
Arbre millénaire © Claudio Quacquarelli - stock.adobe.com

Fabrizio De Andrè, c’est comme qui dirait le Brassens italien. Artiste engagé, figure de proue du mouvement de la nouvelle vague des années 1960, il tombe amoureux de la Sardaigne et achète une propriété du côté de Tempio Pausania, au cœur de la Gallura (transformée aujourd’hui en hôtel haut de gamme).

Il aura même vite fait de prendre le pouls du pays puisqu’il sera victime, ainsi que sa femme, d’un enlèvement avec demande de rançon en décembre 1979.

Quoi qu’il en soit, ce pays qui moutonne en forêt de chênes-lièges et d’oliviers, d’où émergent de loin en loin d’énormes blocs de granit, demeure encore très loin des itinéraires touristiques. Cela permet d’y dénicher encore quelques bizarreries, comme à Luras, où le petit musée ethnographique local recèle une pièce rare : un marteau en bois d’oléandre (olivier sauvage) qui permettait aux sas accabadoras (littéralement les finisseuses) de mettre fin aux souffrances des agonisants sur leurs lits de mort !

Mais la vie n’est jamais bien loin, puisqu’à un petit quart d’heure de là, sur le coteau qui domine le lac Liscia, pousse le plus vieil arbre d’Europe. Un oléandre que les botanistes estiment à plus de 4 000 ans d’âge ! À côté de lui, deux de ses cadets : l’un a 2 000 ans et un « petit jeune » de 500 ans !

Fiche pratique

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Comment y aller / se déplacer ?

En avion, les deux portes d’entrée principales de la Sardaigne sont Olbia (au nord) et Cagliari (au sud). Ces deux villes étant desservies par plusieurs compagnies low-cost au départ de nombreuses villes européennes. Alghero (côte nord-ouest) est également desservie, mais avec une fréquence moindre.

Sur place, la formule la plus souple est de louer une voiture. Par ailleurs, toute la Sardaigne est desservie par un bon réseau de transports en commun. De plus, tous les horaires de bus sont accessibles en temps réel depuis votre smartphone à partir des applications Google.maps et Moovit.com

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Quand y aller ?

On serait tenté de dire : surtout pas en août ! Car toute l’Italie est en vacances en Sardaigne les 3 premières semaines du mois. En Sardaigne la saison touristique s’échelonne de Pâques à fin octobre. En dehors de cette période, de nombreux établissements ferment leurs portes. La pleine saison allant de mi-juin à mi-septembre.

Où dormir ? Où manger ?

La Sardaigne n’est pas une destination spécialement bon marché. Les prix des hébergements variant parfois du simple au double (voire au triple) entre la basse et la haute saison. Dans l’assiette en revanche, les prix sont stables, mais ils restent chers. La meilleure manière de découvrir la cuisine sarde de l’intérieur est d’opter pour les agritourismes qui proposent des menus fixes et (trop) copieux. Seulement les petits budgets ainsi que les végétariens risquent bien d’être à la peine.

San Sperate

- ADA Ristorante : via Cagliari, 23 à San Sperate. Tous les midis lun-sam, plus le soir jeu-sam ; fermé dim. Resto de cuisine locale préparée à bas de produits du marché.

Orani

- La Locanda della Barbagia : via Antonio Gramsci, 10 à Orani. Tél. : 347-338-63-53. Tlj midi et soir ; fermé mar et mer soirs. Resto de spécialités locales.

Aggius

- Il Mosto : via del Mosto (angle via Roma) à Aggius. Juin-sept tlj ; fermé mar soir hors saison. C’est bien simple, ici, rien qu’à lire le menu en italien, ça donne l’eau à la bouche ! Cucina di terra pleine de saveurs préparée à base de produits frais.

Sorgono et environs

- Cuccumiao Affittacamere : via Azuni, 8 à Sorgono. Congés fév-mars. Charmant petit bed & breakfast possédant une poignée de chambres très soignées pour 2 à 3 personnes, toutes avec salle de bain.

- Trattoria da Nino : corso IV Novembre, 28 à Sorgono. Tél. : 0784-60-127. Toute l’année, tlj midi et soir. Petite salle des années 1970 où Marie-Antoinette prépare un repas à l’ancienne.

- Locanda del Muggianeddu : via Mons. Tore, 10 à Tonara. Tél. : 0784-63-885. Congés fév-mars. Une auberge tenue par un couple de routards très sympas.

 Nuoro

- Panelentu : via delle Grazie, 20 à Nuoro. Fermé lun. Le panelentu, c’est comme qui dirait le wrap sarde. Un pane carasau réhydraté pour l’occasion, fourrée ensuite à tout ce qu’on veut. Enfin un repas sarde pour végétariens !

Îles de la Maddalena

- B & B La Petite Maison : via Livenza, 7 à La Maddalena. Pâques-oct. CB refusées. Une jolie maison dans un petit jardin abondamment fleuri et calme sert d’écrin à ce petit B&B où l’on se sent bien.

- Puffer Fish : via Azuni, 10 à La Maddalena. Tlj midi et soir. Une petite salle et un bout de terrasse dans la rue. Pour déguster la pêche du jour.

Environs de Luras

- Liscia Resort : via Matteotti, 76 à Cornuda. Tél. : 079-962-30-27. Pâques-oct. CB refusées. Un hébergement tranquille qui surplombe le lac Liscia. Bien pour un déjeuner en terrasse.

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Texte : Eric Milet

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