Malana, un peuple sacré et hors-la-loi
Malana, un État dans l’État
Malana n’est pas soumis aux lois indiennes, c’est un État dans l’État qui obéit
à ses propres lois, celles du dieu Jamlu. Le faciès des villageois n’est
pas de type indien, mais plutôt gitan (les tziganes viennent d’Inde). Ils ont
leur propre langue, dont les sonorités font penser au tibétain, leur propre
tribunal, leur propre police et une façon bien particulière de rendre la justice.
Pour régler un litige compliqué, le tribunal attribue à chacune des deux personnes
en conflit une chèvre. Les juges administrent une même dose de poison aux deux
pauvres bêtes et la personne dont la chèvre meurt en premier verra le procès
arbitré en sa défaveur. Autrement dit, c’est le dieu Jamlu qui tranche.
Les rapports entre hommes et femmes relèvent de la même singularité. Les femmes
font tout. Elles partent tôt le matin quand les hommes continuent à dormir.
Elles vont travailler au champ, s’occupent du bétail, de la maison, des vêtements
et de la nourriture. Pendant ce temps-là, les hommes jouent à une sorte de pétanque
sur la place du village ou discutent entre eux. La plupart ont les épaules couvertes
d’une veste, mais ils ne glissent pas leurs bras dans les manches. Ils ressemblent
à ces corbeaux qui beuglent sur leurs toits. En général, un Malanais se marie
plusieurs fois. Un divorce leur coûte entre 10 et 20 000 €, qu’ils
doivent payer sous forme d’amende au tribunal. Mais ce n’est pas grand-chose
pour de riches trafiquants comme eux. « Un homme s’est même marié neuf
fois », explique Prim, un jeune Indien qui dirige une des trois guesthouses
à l’extérieur du village. « Il voulait avoir cent enfants pour rester
immortel », poursuit-il. Les Malanais ont le droit de se marier avec des
personnes extérieures au village, mais la plupart des enfants naissent d’unions
intra-villageoises. Les pratiques de consanguinité font de la traversée du village
une expérience encore plus troublante. Plusieurs villageois sont victimes de
malformation, de strabisme, voire de nanisme.
Texte : Charles Carmignac
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