L’été en Finlande : musical par nature
Musiques du monde au cœur de la Finlande rurale
La musique folklorique finlandaise connaît un regain d’intérêt depuis le début
des années 1990, vingt ans après le succès de Konsta Jylhä, un musicien novateur
originaire de la localité de Kaustinen qui entreprit de composer du folk de
son propre cru, plutôt que de se contenter d'interpréter des mélodies traditionnelles.
Le village de Kaustinen, situé au cœur d'une région où les traditions sont vivaces,
a accueilli le premier Festival de musique folk en 1968 et est devenu depuis
le plus grand événement de sa catégorie en Europe du Nord. Un autre événement
marquant pour la survie de la musique folk a été la création dans les années
1980 d'un département de Musique populaire à l'Académie Sibelius. Depuis, ce
département a formé des professionnels de la musique folk aux talents multiples
qui se sont imposés par des compositions associant tradition nationale et influences
internationales.
Les organisateurs de ce festival mettent en exergue chaque année un pays et
une approche musicale : en 2001 ce fut le tour de la France, en 2002 l’Angleterre
celtique et pluriculturelle (incluant un concert de Natacha Atlas) et pour
2003, le choix de Jyrki Heiskanen, directeur des programmes, ne s’est pas encore
arrêté entre la Grèce et l’Inde. Il faut souligner que les musiciens de musique
Bhangra et du Pendjab, ainsi que les danseurs de la troupe Bollywood présents
en 2002 ont été particulièrement remarqués par la presse et le public. Parmi
les critères de sélection du jury : tous les participants doivent jouer
d’instruments typiques, autrement dit, pas de place à Kaustinen pour l’électronique.
Jyrki Heiskanen insiste sur l’appellation « folk » pour ce festival
né avant la vague de la musique world. Le prix très intéressant des entrées
(20 € pour un pass journalier ; 15 € après 19h) donne accès à tous les
spectacles, et il y en a plus de 200 étalés sur une semaine. Sur un total de
110 000 spectateurs qui y assistent chaque année, les statistiques montrent
une augmentation du public jeune, composé à 90% de finlandais et à 10% d’étrangers
venus de Suède et d’Allemagne. Les organisateurs du festival proposent un hébergement
bon marché (25 € par personne et par nuit avec repas) dans les granges environnantes
et dans les écoles. De Kaustinen, on peut se rendre facilement à Kokkola et
sur la belle île de Tankar, ainsi que sur la longue plage de Kalajoki pour s’offrir
un bain de minuit ou poursuivre la route vers les réserves fauniques de Liminganlahti
et Hailuoto, près de Oulu, où vous pourrez également visiter le musée rural
de Turkansaari.
Chaque année, la très populaire Foire au Tango attire
les nombreux amateurs de danses de salon venus de tous les coins du pays. La
piste de danse et les deux scènes où se produisent les chanteurs de variétés
se trouvent dans la Tangokatu ou rue du tango, un espace de 400 mètres
prévu à cet effet. Quant à l’élection du roi et de la reine du tango, elle a
lieu dans un amphithéâtre couvert à quelques rues de là. L’événement attire
plus de 100 000 personnes et la télévision finlandaise MTV3 diffuse le concours
en direct. Si, récemment, le tango finlandais a été détourné et récupéré sous
un angle intellectuel par les films d'Aki Kaurismäki, il s’agit néanmoins d’un
vrai phénomène populaire marqué par un penchant pour la nostalgie, la variété
un peu kitsch et les histoires à l’eau de rose animées par la presse people
(la Finlande est la seule république de l’Europe du Nord et suit avec émotion
les déboires des trois monarchies voisines). Contrairement à la Suède et à la
Norvège, la Finlande n'a pas connu une cour s'entourant de musique pour parfaire
son éclat. Les origines de la musique finlandaise sont en effet profondément
enracinées dans la tradition populaire des bals de villages. Les années de guerre
ont créé un environnement propice à l'émergence d'un tango spécifique à l’âme
finlandaise, une musique d’abord urbaine qui a gagné peu à peu les campagnes.
Si la plupart des tangos joués en Finlande dans les années 1920 et 1930 étaient
d'origine étrangère, notamment argentine, le répertoire des orchestres finlandais
comportait également des tangos allemands, lesquels s'étaient considérablement
éloignés du tango originel. La légèreté et la souplesse rythmiques du tango
argentin s'étaient estompées au profit d'un débit plus régulier et pesant, aux
allures de marche. D’ailleurs, ce rythme de marche saccadée reste l'un des éléments
distinctifs du tango du nord, un mélange de rigueur germanique et de mélancolie
slave. Pendant la guerre, la disparition des proches conférait une dimension
affective toute particulière aux thèmes de la séparation et du regret, alors
privilégiés par les paroliers. Dans les années d’après guerre, cette musique
populaire a perdu de sa superbe au détriment du twist et du jive américains,
pour revenir en force dans les années 60. Mais le vrai come-back s’est opéré
dans les années 1980 : dès son ouverture en 1985, le festival de Seinäjoki
captiva un public essentiellement finlandais (on trouve quelques visiteurs suédois
et allemands, pratiquement aucun francophone) qui, depuis lors, plébiscite les
nombreux concours et championnats de danse et de chant pendant les cinq jours
des festivités. Le moment crucial étant la nuit du samedi au dimanche où, après
l’élection des souverains de l’année, la foule danse tout au long d’une nuit
toujours claire. C’est aussi un événement mondain puisque, certaines années,
le roi et la reine du tango finissent par se marier à la paroisse de Seinäjoki,
un ensemble dépouillé en bois blanc dessiné par le grand Alvar Aalto. L’entrée
à la Rue du Tango coûte 16 € (de 19h à l’aube sans interruption) et les prix
des nombreux concerts varient entre 7 et 42 €. Un festival destiné aux mordus
de tango et autres bals populaires, aux inconditionnels de Kaurismäki et aux
routards adeptes du quatrième degré en quête du dépaysement absolu.
Texte : Claudio Tombari
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