Flandres : au pays des estaminets
Estaminets : du temps qui passe
Aujourd’hui, dans le Pays des Monts de Flandres, grâce à ses résistants culturels
qui portent haut leur culture flamande, l’estaminet est devenu à la mode. Des
dizaines ont éclos, thématiques, sympathiques, qui attestent de ce renouveau.
Mais au hasard des chemins ou des haies de houblon, on peut encore découvrir
d’authentiques comptoirs, qui ont passé le siècle sans changer. Des survivants
qui n’ont pas connu le ravalement. Pas forcément les plus conviviaux, mais remplis
de temps tactile, comme des bouffées d’enfance.
Ainsi, l’estaminet de Jacqueline, une maisonnette en rase campagne, au milieu
de nulle part. À peine la porte franchie et le tintement de la clochette, on
est assailli par un mélange de sensations, odeur du poêle et du café « bouillu »,
jappements stridents du vieux caniche, rayons obliques, entre deux averses,
sur les étalages de l’épicerie. Et Jacqueline, immuable derrière son petit comptoir
typique, en chaussons, jupe longue et gilet bleu dans son décor qui n’en est
pas un. Ici, le temps n’a pas cours. Rien n’a changé depuis toujours :
elle lave les verres dans des bassines, puisqu’il n’y a pas d’eau courante.
La salle, c’est quelques tables autour du vieux poêle. À côté, dans l’épicerie,
des sacs de haricots secs et des casiers de bière. Jacqueline est une icône,
un souvenir vivant de cette âme flamande qu’elle incarne tandis que d’autres
s’attellent à la faire revivre dans leur estaminet.
Après de longs aboiements, ses chiens retournent s’assoupir. Le temps s’allonge
encore. Jacqueline tapote en rythme le tic-tac de l’horloge. Et c’est tout un
pays, avec sa langue et son histoire, qui revient en écho.
Texte : Laurent Boscq
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