Flandres : au pays des estaminets
La Cordillère des Flandres
Le Pays des Monts de Flandres est constitué de cinq « sommets » érodés
comme des vigies ou des phares qui surplombent le plat pays. Manu est l’ambassadeur de cette cordillère.
« Un estaminet, explique-t-il, ça n’est pas un restaurant, ça
n’est pas un café, et pourtant on y mange et on y boit. Un estaminet, c’est
tout simplement comme à la maison. »
Un lieu où la convivialité est érigée en principe. Les avis divergent sur
les origines du mot « estaminet ». Tout dépend des puissances qui
dominaient la plaine flamande. On évoque l’espagnol « esta un minuto »,
là où on allait boire un coup vite fait quand l’empire de Charles Quint s’étendait
jusqu’aux « Pays d’en Bas ». D’autres soutiennent qu’estaminet vient
de l’expression flamande « Sta Mijnheer », (« entrez Monsieur »),
inscrite sur les façades. On parle encore du nom wallon « staminé », salle à poteaux caractéristique,
ou du flamand « stamen », qui fait référence aux cueilleuses de lin.
Au début du XXe siècle, aller à l’estaminet, c’était s’aventurer
sur la mauvaise pente. Lieux de ralliement des contrebandiers entre la Belgique
et la France, les pauvres y buvaient leur paie, les notables s’y dévergondaient,
quant aux femmes qu’on y rencontrait, on les disait frivoles…
Bon an, mal an,
les estaminets ont traversé le siècle jusqu’aux années soixante-dix. Avec la
désertification des campagnes, ils ont failli disparaître. Puis, vers les années
quatre-vingt, une nouvelle génération a repris le flambeau : les vieux
établissements ont été rénovés et transformés en restaurants, bars ou lieux
de rencontres, favorisant ainsi une prise de conscience identitaire qui perpétue
encore aujourd’hui la tradition flamande. On en trouve des dizaines, dispersés dans la campagne ou dans les villages.
Ils émaillent la région comme autant de témoins. Ils en content l’histoire.
Texte : Laurent Boscq
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