Flandres : au pays des estaminets
Résistance, contrebande et identité
De l’autre côté de la rue, le Blauwershof, le « repère des fraudeurs »
a été un des premiers estaminets de la nouvelle vague à revendiquer son appartenance
à la culture flamande. Ici, on se souvient qu’elle a été longtemps ignorée, niée, voire interdite.
On n’a pas oublié qu’à l’école, au début du XXe siècle, on était
puni si on parlait flamand. C’était l’époque de l’école laïque obligatoire et
de la francisation forcée au mépris des cultures régionales.
« Pour liquider les peuples, on commence par leur enlever la mémoire.
On détruit leurs livres, leur culture, leur histoire. Puis quelqu’un d’autre
leur écrit d’autres livres, leur donne une autre culture, leur invente une autre
histoire. Ensuite, le peuple commence lentement à oublier ce qu’il est, et ce
qu’il était. Et le monde autour de lui l’oublie encore plus vite. »
Cette citation de l’écrivain tchèque Milan Hübl est inscrite sur le menu
et résume, pour le patron, la situation des Flandres françaises.
Alors, au Blauwershof,
tout est bon pour magnifier sa culture et son identité : il y a des livres
en flamand dans la bibliothèque, des géants de carnaval somnolent dans l’arrière-salle
et un gallodrome (arène pour combats de coqs) démonté trône dans la cour. Et
des jeux anciens par dizaines. Quand les averses rythment les jours, la chaleur
humaine se mêle à celle du poêle. Jeux en bois patinés, billards de table ou
à soufflets, fléchettes ou « shut the box » : qu’on vienne de
loin ou du coin de la rue, on se retrouve ensemble, on partage la tradition
et l’échange en jouant. Cela tient à la fois de la taverne et de la cour de
récréation. Par-delà le temps et les générations se perpétue ainsi la tradition
flamande.
Texte : Laurent Boscq
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