La côte de Beaupré et l'île d'Orléans

Un sympathique itinéraire d'une ou deux journées peut commencer par le Cap Tourmente, lieu privilégié d'observation de la faune, passant par le canyon Sainte-Anne et le chemin royal sur la côte de Beaupré pour atteindre la chute Montmorency puis, empruntant le pont que relie le continent à l'île d'Orléans, vous irez visiter les nombreux économusées du coin (ateliers ouverts au public et autofinancés par la vente des produits qui transmettent leur savoir-faire et conservent le patrimoine vivant) dans lesquels vous ferez connaissance des divers métiers pratiqués par quelques expatriés français et belges. Pour les Québécois, la promenade estivale sur l'île rime avec cueillette des fraises dans les vergers et pause glace aux parfums typiques (érable et noix, sorbet aux bleuets, pomme) ; suivie d'une dégustation d'alcools locaux comme le vin blanc sec produit par les retraités Liz et Jean au vignoble Sainte-Pétronille, le cidre de glace du couple belge Steinbach, et la crème de cassis produite par le Cévenol Bernard Monna. L'une des haltes les plus intéressantes est sans doute celle de La Forge à Pique-Assaut, propriété de Guy Bel, un ferronnier d'art d'origine lyonnaise. Son parcours est très émouvant car, ayant quitté la France depuis vingt-cinq ans déjà, " dégoûté des syndicats " qui lui empêchaient de s'accomplir en tant que " ouvrier à l'âme artiste ", il fantasme sur les déserts rouges d'Australie aux antipodes de l'Hexagone, mais, unilingue français, il se pose enfin sur la terre promise du Québec. Et quoi de plus originellement québécois que l'île d'Orléans, berceau des familles souches qui peuplèrent la région, là où les maisons se cachent au fond d'interminables prés qui remontent depuis la côte, traces vivantes de l'héritage féodal et magnifiques jardins d'aujourd'hui. Vert tendre, neige, fers incandescents… ancien dessinateur des soieries de Lyon, Guy Bel compose un jour une toile bizarre, où le sol mute du noir aux ocre et, en même temps que son œuvre trouve un acquéreur américain, l'auteur réalise qu'il est frappé de daltonisme. Reconverti à la forge et passé maître dans l'art de tordre le fer monochrome, quelques années plus tard, un milliardaire de Flagstaff lui commande une grille sur mesure que monsieur Guy va installer lui-même en Arizona. Handicap ou véritable vision, il foule alors les terres rouges de son imaginaire trouvant ainsi la clef de son rêve et une récompense à son esprit créateur. Ce rebelle qui voulait prendre la société d'assaut avec sa pique est enfin devenu le Picasso du marteau et de l'enclume.

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