Irak : l’histoire pour enjeu

Menace sur les sites archéologiques

Les effets de l’embargo
 
Depuis 1991, l’Irak subit un très fort embargo international. Les seuls réels échanges du pays avec l’extérieur se sont faits dans le cadre du programme des Nations Unies « pétrole contre nourriture », instauré en 1996. Les conséquences de cette situation sont évidentes. Toutes les activités du pays tournent au ralenti, le secteur culturel comme tous les autres. Les archéologues, privés de tout, ne pouvaient plus faire avancer les fouilles, les analyses, les restaurations. Les maigres résultats obtenus ne se voyaient pas diffusés, faute de moyens pour les publier.
La décision de la création de l’Organisation nationale de l’archéologie et du patrimoine irakien a amélioré cette situation. Les crédits alloués par le gouvernement ont permis de remettre au travail les équipes de fouilles. Et il faut désormais compter avec les nombreux jeunes Irakiens qui s’engagent dans la voie des études en archéologie. Ces derniers peuvent aisément être motivés par les quasi-privilèges accordés par l’ONAPI aux archéologues. Le salaire mensuel d’un archéologue lambda s’élève à 18 US$, contre 4 US$ au début des années 1990. Une fortune dans ce pays ! Il faut en plus compter sur les primes de découvertes, ce qui ne manque pas d’être intéressant pour les chercheurs.
Mais cette situation ne doit pas cacher les réelles difficultés des archéologues. Les techniques de conservation sont très rudimentaires et n’ont pas bénéficié des avancées du reste du monde, du fait de l’embargo. La conséquence à cela est la dégradation irrémédiable de milliers d’objets dans les réserves des musées irakiens. Les produits chimiques nécessaires à leur conservation, ainsi que les laboratoires, étant tombés sous le coup d’autorisations de l’ONU, sont difficiles à obtenir.
Une autre des conséquences de l’embargo est un retard important dans les fouilles. La solution adoptée pour que les archéologues rattrapent le temps perdu, a été d’entreprendre des campagnes de fouilles à l’année, extrêmement difficiles l’été dans le désert. Quant au recours à des équipes d’archéologues étrangers, il semble selon la revue Archeologia, se maintenir, malgré les conditions de travail.
 
Les expériences des Guerres du Golfe
 
Les deux dernières décennies, en Irak, ont été fortement marquées par la guerre : la guerre Iran-Irak (1980-1988), qui avait pour objectif l’élargissement de l’Irak sur le territoire iranien, puis la guerre du Golfe suite à l’invasion irakienne au Koweït.
Au total, près de onze années de conflits, et douze années d’embargo. Inévitablement, les pilonnages aériens répétés, la guerre sur le terrain, n’ont pu qu’endommager nombre de sites situés à des points stratégiques. Il suffit pour cela d’envisager les 10 000 sites archéologiques répertoriés et de les confronter aux 434 000 km2 de l’Irak pour le comprendre. Plus précisément, on peut voir que les sites majeurs de Ninive ou de Nimroud, dans le nord de l’Irak, sont près de Mossoul, mais également de la longue frontière irako-iranienne. Ceci est aussi valable pour de nombreux sites du sud, comme celui de Suse.
Malheureusement, les destructions n’ont pas eu lieu que sur le terrain lors de la guerre Iran-Irak. Le fait est que les musées les plus notables sont à Bagdad, cible importante. Pour ajouter quelques difficultés substantielles aux conservateurs des musées irakiens, il faut préciser que la salle des Antiquités assyriennes jouxte le ministère des Communications ; et qu’à quelques dizaines de mètres de là se situe la station de radio et de télévision irakienne. Or, ces deux cibles stratégiques ont déjà été détruites deux fois (1991 et 1998) par l’aviation américaine.
Le pillage organisé est lui aussi un fléau redoutable pour le patrimoine irakien. L’expérience de 1991 a prouvé que les pilleurs profitaient de la désorganisation de la guerre pour agir. La profusion des sites joue en leur faveur, ceux-ci ne pouvant tous être gardés. Les pilleurs sont armés, et agissent pour le compte de collectionneurs étrangers, voire même de musées. Mais le pillage intensif s’est maintenu de 1994 à 1999, tant au nord qu’au sud. Son organisation fait frémir les archéologues qui peuvent constater la précision des pilleurs. Ils recherchent les pièces à la commande précise des collectionneurs. Ils disposent, pour ce faire, de cartes précises des sites, et fouillent la couche contenant l’objet commandé, détruisant les strates supérieures. La menace d’un nouveau conflit va renforcer cette situation et susciter de nouvelles vocations de pillards, malgré l’embargo, malgré la guerre.
 
La protection
 
Contre les bombardements de sites archéologiques, les Irakiens ne peuvent rien faire.
Contre la menace qui pèse sur les musées archéologiques de Bagdad ou d’ailleurs, les archéologues ont adopté plusieurs solutions de fortune. Tout d’abord, pour éviter que les bâtisses soient directement bombardées, de par leur proximité quasi-systématique avec des ministères, les autorités irakiennes ont fait peindre sur les toits de colossaux sigles « Unesco ». Le but est de rappeler aux aviateurs qu’il s’agit d’établissements culturels protégés par la convention de La Haye. À cette protection symbolique - que l’on espère efficace - s’ajoutent des solutions d’enfouissement des pièces transportables. Des cages métalliques avaient déjà contenu, à l’occasion de la guerre du Golfe et longtemps après, des objets de toutes sortes. Nombre d’entre eux avaient été détruits par les mauvaises conditions de conservation, dues entre autres à des infiltrations d’eau souterraine. Quant à certaines pièces de pierre monumentales, lourdes de plusieurs tonnes, la seule solution est de les recouvrir de sacs de sable.
Les responsables et gardiens des institutions muséales comptent aussi sur leur présence permanente dans les musées pour protéger ce qui reste. Tous vont servir de boucliers humains pour sauver le patrimoine de leur pays. On ignore s’ils sont tous volontaires ou contraints par le régime.
Le pillage pourra être atténué si les sites sont en permanence surveillés. Des archéologues vont y camper le temps que durera le conflit. Pour ceux où ils ne peuvent se rendre, ils comptent sur les tribus locales, armées et motorisées, pour repousser les pillards. Mais des milliers de sites ne pourront être surveillés.

Texte : Thibault Pinsard

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