Irak : l’histoire pour enjeu

Une histoire millénaire en perspective

L’Irak, pays traditionnellement belliqueux ?
 
L’Irak devient un pays indépendant en 1930. Les frontières que nous lui connaissons actuellement ont été définies du lendemain de la Première Guerre mondiale jusqu’à son indépendance. Mais l’actuelle Irak est en fait l’ancienne Mésopotamie, soit un point de rencontre permanent de civilisations entre le Tigre et l’Euphrate. Ces deux grands fleuves ont vu des millénaires d’échanges marchands et culturels entre l’Orient et la Méditerranée, entre les peuples indo-européens et sémitiques. C’est entre ces deux voies de communication qu’ont été inventés les fondamentaux de toutes les civilisations ultérieures, telles que l’écriture (vers 3 200 avant notre ère), la roue, les mathématiques, les premières administrations ou la maîtrise de l’eau - de laquelle tout découle. La Mésopotamie a, en raison de ses voies fluviales, fait office, pendant des millénaires, de centre névralgique du monde antique.
Les premières guerres que connaît cette région ont pour cause la mise en place de villes et de petits États. De ces conflits naissent les premiers royaumes. Mais à cette époque de l’humanité, la guerre est le symptôme même de l’expansion de la première civilisation mondiale structurée. Le conflit comme moyen de définir de nouvelles règles de vie.
 
Le premier empire sémitique naît environ vers 2 320 av. J.-C. Mais c’est surtout le roi Hammurabi qui réunit l’entière Mésopotamie en tant que royaume prospère. Sa capitale est Babylone. C’est aux alentours de l’an 1 000 av. J.C. que commence l’époque des invasions et des dominations étrangères. La Mésopotamie se voit ravagée, conquise, dominée par de nombreux nouveaux maîtres, qu’ils viennent du nord (comme les Scythes ou les Cimmériens) ou de Perse (l’actuelle Iran). Malgré cela, la Mésopotamie continue de rayonner, avec pour centre culturel Babylone. Elle diffuse partout créations et inventions.
Il faut attendre environ l’an 900 av. J.-C. pour que les rois conquérants assyriens créent un empire dans cette région. L’empire assyrien a tenté pendant deux siècles, par la force et la terreur, de s’imposer et de structurer tout le Moyen-Orient. Mais Babylone reprend le dessus sur les Assyriens vers 609 av. J.-C., avant d’être conquise (cette fois par les Perses) d’environ 539 à 370 av. J.-C. En effet, Alexandre le Grand s’en empare et l’annexion de la Mésopotamie à son empire contribue à la diffusion de ses richesses culturelles et commerciales. Mais Babylone est déjà sur le déclin. La conquête romaine n’arrange rien, et la culture mésopotamienne s’éteint sous sa domination. Les sables commencent leur long travail de recouvrement. La chute de l’empire romain fragmente cette région.
Avec la naissance de l’Islam, Bagdad trouve une place centrale et devient la capitale d’un nouvel empire. Le IXe siècle voit son apogée. L’affaiblissement le gagne le siècle suivant, et l’Irak ne sera plus que sujet de rivalités entre dynasties. Saladin, le héros national de l’Irak, repoussera les Croisés au XIIe siècle. Au XVIe siècle, les Ottomans font une nouvelle fois de l’Irak l’élément d’un empire. Celui-ci perdurera jusqu’à la Première Guerre mondiale, lors de la conquête anglaise.
Force est de constater que si guerres il y a eu en Irak, de la Mésopotamie à son indépendance, elles n’ont qu’exceptionnellement été le fait de ses gouvernants indépendants. L’Irak a surtout été l’objet de conquêtes répétées, avec pour but fréquent l’appropriation de ses richesses. Dans l’Antiquité, elles étaient essentiellement agricoles ou œuvres d’orfèvres, elles sont depuis le début du XXe siècle richesses pétrolières.
 
Les Irakiens et leur patrimoine
 
Nous venons de survoler cinq millénaires d’une histoire mouvementée, presque chaotique. Les habitants de l’actuelle Irak ne peuvent ignorer ce qu’est leur passé. L’histoire de la construction de leur pays, la naissance sur leur terre de ce qui constitue le monde moderne, ne peut que rendre les Irakiens fiers de leur patrimoine. Les récits antiques (comme l’Épopée de Gilgamesh, plus ancien récit du monde), populaires (les Contes des Mille et une nuits sont nés et ont pour cadre Bagdad) ou religieux (des guerres liées à la succession du prophète Mahomet ont eu lieu en Irak) abondent dans ce pays et n’ont jamais cessé au cours des siècles, de nourrir l’imaginaire collectif irakien et mondial. De même, la profusion des sites archéologiques aux époques enchevêtrées, fait partie de l’environnement physique immédiat des Irakiens. Creuser le sol signifie souvent tomber sur des vestiges.
 
Saddam Hussein et l’histoire de son pays
 
Saddam Hussein connaît parfaitement l’attachement de son peuple à son histoire et à son patrimoine. Arrivé au pouvoir en 1979, il en a fait, dans son intérêt, un sentiment d’unité nationale. Car si les frontières de l’Irak recouvrent grosso modo celles de l’ancienne Mésopotamie, l’Irak n’a pas de « peuple » à proprement parler. Sur une population de 23 millions de personnes, 79 % sont arabes, mais eux-mêmes divisés en communautés religieuses chiites et sunnites. Les 21 % de population restante sont constitués de minorités kurdes, turkmènes ou persanes. Le découpage des frontières, effectué à la règle par les Occidentaux, a depuis toujours été prétexte à revendications. Les premières étant celles des Kurdes, au nord, et les secondes celles de la majorité chiite, au sud. Ce qui explique en partie les persécutions perpétuelles qu’ils subissent de la part de Saddam, sunnite. Mais ces brimades et massacres s’inscrivent dans la ligne de renforcement du nationalisme irakien. Car le nationalisme a été et est toujours le moyen pour Saddam Hussein de se poser en sauveur de la nation irakienne, et ainsi de renforcer son pouvoir. Quoi de mieux que de légitimer ce sentiment nationaliste par l’histoire ?
Ceci explique sans doute en partie la création en 2000 (en plein embargo !) de l’Organisation nationale de l’archéologie et du patrimoine irakien. Cette structure récente jouit d’un budget équivalent à celui d’un ministère, ce qui est probablement unique au monde. Saddam Hussein ne cache d’ailleurs pas son soutien pour l’ONAPI. C’est une façon pour lui de toucher les Irakiens dans leur conscience, et de se montrer actif sur ce terrain hautement symbolique, ainsi que le souligne la revue Archeologia.
Mais si Saddam Hussein est sensible à l’histoire de son pays, cela ne se fait pas uniquement par le biais de l’archéologie. En tant que despote mégalomaniaque, il est normal pour le président irakien de penser à s’inscrire lui-même dans l’histoire, tout en légitimant ses actes actuels en s’appuyant sur celle-ci. Saladin, celui qui a bouté les croisés hors d’Irak, n’a jamais manqué de servir de référence ultime à Saddam. Le parallèle établi entre les deux hommes a souvent été utilisé lors de la première guerre du Golfe, en 1991. Et, si l’armée américaine pénètre très prochainement sur le territoire irakien, celui-ci ne manquera pas de galvaniser ses troupes grâce au héros national. Il n’omettra pas non plus de rappeler que « l’invasion américaine » s’inscrit dans la longue série que le pays subit depuis toujours. Le terme de « croisade », évoqué à plusieurs reprises par George W. Bush pour évoquer l’action américaine en Irak, ne dessert en rien le dictateur irakien.
À noter également que Saddam Hussein s’est appuyé sur l’histoire de son pays et sur son découpage actuel pour justifier l’annexion du Koweït en 1991.

Texte : Thibault Pinsard

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