L’idée de cette destination datait un peu et faisait l’objet d’un report périodique, y préférant d’autres horizons suivant l’inspiration que nous donnent les fins d’hivers.
Mes soucis de santé d’il y a deux ans, donnèrent un argument supplémentaire pour nous décider : le fameux “Régime Crétois” ! C’était décidé cette année nous irions nous inspirer à la source.
Billets secs dans la poche, nous voilà donc tombés d’un avion chypriote au beau milieu de la nuit à Héraklion, avec chacun notre sac à dos “à roulettes”; c’était le 26 avril dernier.
De régime crêtois, hélas il n’est plus vraiment dans les us et coutumes! Nous n’avions rarement vu autant d’obèses. Dans les cours d’écoles le paquet de chips et celui de bonbons sont devenus la tendance.
Heureusement encore quelques résiliences encore dans l’arrière pays : le crétois est un surprenant cueilleur de plantes sauvages et un remarquable accommodeur de légumes et d’agrumes.
Pas de bœuf, peu de porc; pas de beurre bien sur, quant au poissons comme partout il n’y en a plus que d’élevages… finies les barques dans les ports, faute de pêcheur, faute de poisson.
Le pays attire des charters au grands complets, à Santorin des paquebots de 2 000 têtes au moins, c’est une industrie !
Les 300 kms de la côte nord de la Crête sont littéralement mités par ces constructions plus ou moins hideuse, prototype de maisons de retraite, où la pension complète, la plage à deux pas, les buffets garnis et l’ouzo à discrétion, suffisent à contenir en état semi léthargique le client.
Les touristes viennent par centaines et plus, remplir ces hôtels avec accès direct à la plage.
Une ou deux soirées crétoises “authentiques” et la visite à la boutique de souvenirs et il est déjà temps de reprendre le bus vers l’aéroport.
Cette année ils auront donc FAIT la Crête !.. sans en avoir rien vu, dommage.
Quant à Santorin, une journée aura suffit, il est temps de retrouver sa cabine numérotée, on lève l’ancre avant que la nuit ne nous surprenne.
Donc pour l’authenticité il reste assez difficile de surprendre le paysan sur son âne; le grand-père est au cimetière depuis un certain temps et l’âne a déjà été transformé en saucisson depuis longtemps. Comme quoi les clichés on la vie dure et les cartes postales donc.
Heureusement la Crête n’a pas qu’une seule côte et une voie expresse pour mettre les hôtels en question à moins de deux heures de l’aéroport.
Louer une petite voiture et se perdre vers la côte sud et ses extrémités est et ouest, recèle les délices des surprises heureuses et des détours de chemins radieux.
Là le rythme redevient naturel, l’on oublie vite la pollution des villes du nord (Héraklion et la Canée), la circulation devenue infernale; un nombre de voitures qui étonne.
Passé un semblant de prudence envers cet étranger qui a bien sûr un peu pollué ce beau pays, la gentillesse spontanée et communicative des crétois se manifeste vite… L’hébergement comme la table ne pose pas de problème; le crétois est commerçant.
Le pays n’est pas bien riche, mais les chantiers fonctionnent bien le week-end; tout le monde bricole, tout le monde s’entraide à première vue.
La montagne est belle, diverse et odorante en ce beau mois de mai; une flore étonnante et riche à souhaits.
Elle appelle et comment ne pas s’en priver, à la marche : la Vallée des morts et les Gorges de Samaria : quelles belles balades.
Et il y en a bien d’autres, faute de se baigner dans une eau encore trop fraîche.
Dans les villes comme dans les villages les plus reculées, ici une modeste mais coquette maison du temps ou régnait la Sérénissime vénitienne, là une maison à parements de bois, inscrites d’arabesques pour rappeler que Constantinople fut l’autorité jusqu’en 1913; hier donc.
L’architecture antique ne nous a pas encombrés de trop, contrairement aux autres régions de Grèce, ou du sud de l’Italie, ou la Sicile. Les sites minoens demandent plus d’imagination que de lecture.
Dommage que le Musée archéologique d’Héraklion soit fermé pour une durée mal déterminée; il valait à lui seul le voyage !
Si les maisons sont un peu défraichies, si la propreté est toute méditerranéenne (les sacs plastiques en abondance des magasins jusqu’aux décharges, en passant par les courants d’air), tout cela est compensé par l’abondance des fleurs, des rosiers, des plantes grasses. Les crétois sont amoureux des fleurs; des gens de goût, et du meilleur.
Pour mieux nous préparer, nous nous étions immergés dans la lecture de Nikos Kazantzakis, comme l’an dernier à Guernesey avec Victor Hugo.
Ce fut un vrai fil conducteur dans notre découverte de la Crête, une révélation, un grand bonheur que de découvrir Héraklion, Mirtia, la montagne et les monastères, avec son ombre derrière nous.
Pour finir, l’ile de Santorin méritait bien les trois jours passés.
Une histoire étonnante que cette ile née de la formidable explosion volcanique, qui 1 500 avant JC mit fin à toute une civilisation des plus raffinées, anéantie par la vague de 300m de son tsunami.
La mémoire humaine fait défaut à cet événement. Restent aux confins de la légende, ces passages de l’Ancien Testament du ciel d’Egypte qui s’assombrit plusieurs jours, du passage de la mer Rouge par Moïse et son peuple (rappelez-vous le film “Les 10 Commandements”), retrait qui aurait plutôt eut lieu sur le Nil; et surtout le fameux mythe de l’Atlantide.
Aujourd’hui mieux que des cartes postales, de beaux villages blancs qui s’accrochent aux lèvres de sa caldera, à 300 m au dessus de ce port naturel, où les bateaux de croisières, viennent accoster et y déverser (parfois y faire naufrage et nous avons eut une pensée pour nos deux compatriotes douessins qui y gisent par 150 m de fond depuis avril dernier) leur cargaison de touristes pressés.
Reste à quelques encablures, les vapeurs sulfureuses de l’ilot de Néa Kaméni qui rappellent que rien n’est jamais définitif…
Allez en Crête, mais sortez des sentiez battus, vous en reviendrez ravis.