Tandis que la " civilisation " avance et que la jeunesse se tourne vers le mode de vie occidental, ne restent guère que les anciens pour porter gravé dans la peau ce témoignage d'un monde révolu. Voici quelques vestiges de cette symbolique en voie de disparition, cueillis aux quatre coins du monde.

Un point sur le visage pour chaque baleine abattue

Eskimo des Iles St Laurence (Mer de Béring) au début du XIXe siècle. Dessin de Louis Choris. 1816.Originaires d'Asie, les Inuits peuplent aujourd'hui les régions arctiques de l'Amérique et du Groenland. Face à la nature indomptable de ces régions inhospitalières, ils développèrent une religion animiste complexe.
Les femmes se tatouaient pour faire perdurer les traditions de fertilité, tandis que les hommes, chasseurs et pêcheurs, méritaient leur tatouage en fonction du nombre de prises. Chaque baleine abattue leur valait un point sur le visage : plus un homme arborait de points, plus il avait contribué à la survie du groupe et donc gagné en prestige.
De nos jours, cette tradition a presque disparu. Parmi la population inuit Yupiget de l'île Saint Lawrence (mer de Béring), il ne reste plus qu'une dizaine de tatoués, tous âgés de plus de 80 ans.

Le tatau, c'est tapu !

Guerrier marquisien. Gravure fin XVIIIe siècle.Aux îles Marquises, le tuhuna (tatoueur) était un artisan respecté. Il devait passer par un long apprentissage avant d'exercer sa fonction. Le tatouage définissait le statut social d'un individu et prouvait sa résistance à la douleur. De ce fait, les tatouages les plus conséquents s'admiraient sur le corps des chefs et des guerriers.
Le tatau était entouré d'un certain nombre de tabous (tapu), qui compliquaient un peu les choses : les femmes étaient obligées de se tatouer les mains dès l'âge de 12 ans, sans quoi il leur était interdit de préparer le popoi (pâte à base de fruits fermentés). Un homme tatoué ne pouvait pas manger avec une femme. Et un homme au tatouage complet ne partageait pas son repas avec un homme au tatouage partiel.
Interdit par l'Église, la dernière génération de tatoués s'éteignit dans les années 1930. Depuis les années quatre-vingt, le tatouage marquisien connaît une nette renaissance. Mais trois siècles de tabous chrétiens auront eu la peau des tapus océaniens.

Une affaire de femmes

En Inde, les Rabaris de la province de Kutch font partie des peuples les plus tatoués d'Asie. Traditionnellement, le tatouage est une affaire de femmes. Munies d'une longue aiguille et à l'aide de motifs compliqués, les femmes rabaris se protègent contre le mauvais œil et racontent leur vie : celle de chameliers nomades du désert Gudjarati. Les mères tatouent parfois leurs filles dès l'âge de trois ans, car une femme sans tatou ne saurait attirer un mari. Il y a une trentaine d'années, la machine à tatouer a remplacé les aiguilles. Des tatoueurs ambulants ont repris le rôle qui autrefois incombait aux femmes. Mais leur méconnaissance de la symbolique rabaris entraîne une dégradation de la tradition, qui disparaît peu à peu au nom du progrès et de la modernité.

Plus de culotte !

Comme ce Birman, au Laos et en Thaïlande, la coutume veut que l'on soit tatoué du nombril au mollet.Le tatouage thaï* peut occuper toute la surface du corps, mais se sépare en deux parties au niveau de la taille : celle du haut, vouée à la sphère individuelle, et celle du bas, vouée à la sphère publique. Cette dernière, étalée entre les genoux et le nombril, fut surnommée " tatouage culotte " par les premiers observateurs étrangers.
Composé de plusieurs exemplaires d'un même motif animalier, le " tatouage culotte " était une obligation sociale pour les hommes thaïs jusqu'au milieu du siècle dernier. Il signifiait avant tout le passage à l'âge adulte, mais indiquait aussi l'origine territoriale et pouvait avoir des fonctions protectrices.

Si le tatouage de la partie supérieure du corps est encore courant, le " tatouage culotte " n'est plus réalisé aujourd'hui car la pratique est considérée comme une marque du passé. Dans les communautés Lü du Nord Laos et celles de la région de Chiang Krong (Thaïlande), seuls les hommes de plus de cinquante ans arborent encore la fameuse culotte.

*" Thaï " désigne un ensemble de peuples, disséminés entre la Chine, la Birmanie, le Laos et la Thaïlande et unis par la pratique d'une même langue. " Thaïlandais " désigne la population de Thaïlande, toutes ethnies confondues.

Illustrations :
haut : Eskimo des Iles St Laurence (Mer de Béring) au début du XIXe siècle. Dessin de Louis Choris. 1816.
milieu : Guerrier marquisien. Gravure fin XVIIIe siècle.
bas : Comme ce Birman, au Laos et en Thaïlande, la coutume veut que l'on soit tatoué du nombril au mollet.
source : Les hommes illustrés, le tatouage des origines à nos jours, éditions Larivière

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