De l'âge d'or au tango nouveau

Sandro & Veronika, fondateurs d'El Farolito © Pablo RincónJuan Perón n'est pas un chanteur, mais un colonel admirateur de Mussolini qui, après un putsch, parvient à se faire élire président de la République en 1946 en promettant la justice sociale - aidé en cela par son épouse Eva, la fameuse Evita, l'héroïne des sans-chemises. Le tango entre dans ses plans politiques. Il en favorise la propagation à tel point que l'on pourrait en parler comme d'un art officiel. Les musiciens sautent sur l'aubaine…

Traditionalistes contre évolutionnistes, tel est le conflit artistique qui opposent deux manières de concevoir le tango. Les premiers sont de tendance académique, ils entendent rester rivés à leurs chevalets, les seconds veulent faire bouger les choses, une fois de plus. Mais tous portent le tango à un degré de sophistication jamais atteint. L'équilibre entre voix, instrument soliste (bandonéon, piano, violon) et orchestre prend des formes idéales. Les têtes d'affiche sont alors les poètes Enrique S. Discépolo, Homero Manzi, les musiciens Osmar Maderma, Osvaldo Pugliese, Alfreddo Gobbi fils et surtout le bandéoniste Aníbal Troilo.

Quand le régime péroniste s'effondre et que l'armée reprend le pouvoir en 1955, le petit monde du tango perd ses avantages. Brimée, censurée, la musique reine d'Argentine retourne à l'underground. Quantité de salles de danse ferment, nombre d'orchestres se dissolvent ou se réduisent à de petites formations. Dans ces conditions, il est difficile pour le tango de se renouveler et de séduire les nouvelles générations. Les jeunes s'en détournent au profit du rock'n'roll ou d'autres genres de musiques populaires. Il n'empêche que dans les décennies à venir, les passionnés de Buenos Aires vont réussir à trouver le moyen d'entretenir leur fleur des faubourgs en ouvrant des tanguerías, salles entièrement vouées au tango. C'est là que se perpétuera sa mémoire et là aussi que de nouveaux talents trouveront un public attentif.

Astor Piazzolla (1921-1992) est un Argentin de New York. Jeune musicien prodige, il manque de rejoindre l'orchestre de Carlos Gardel. Rentré au pays, il joue pour Anibal Troilo, novateur avec lequel pourtant il est souvent en désaccord. Très ouvert sur toutes les musiques modernes de son temps, Piazzolla se lance dans la composition durant les années 1950. Ses œuvres d'inspiration classique déconcertent et le voilà mis au ban de la société tanguera. Son salut va venir de Paris où il se rend pour étudier la composition auprès de Nadia Boulanger. Celle-ci le convainc d'abandonner la musique savante européenne pour se consacrer au tango. De retour au pays, Piazzolla fonde l'Octeto de Buenos Aires, puis le bien nommé Quinteto Tango Nuevo en 1960.

Le tango nuevo va relancer l'intérêt pour la musique du Rio de la Plata à travers le monde. Piazzolla est l'incontestable chef de file de ce renouveau pour lequel œuvrent également les musiciens tels que Horacio Salgan et son Quinteto Real, Leopoldo Federico ou Eduardo Rovira et des poètes comme Horacio Ferrer. Avec de nombreuses formations, Piazzolla tente et réussit des combinaisons audacieuses, dont ce tango rock qu'il joue avec son Quinteto Electronico. Si la vieille garde continue d'avoir ses sectateurs en Argentine et ailleurs, la plupart des musiciens et chanteurs apparus depuis Piazzolla poursuivent un même objectif : que le tango vive éternellement jeune.

Exils et nouvel essor à Paris. Resserrant les liens entre la capitale française et le tango, Astor Piazzolla a fréquemment élu domicile à Paris. Dans les années soixante-dix, d'autres nombreux artistes se réfugient en France, graves troubles politiques, puis dictature militaire obligent : Susana Rinaldi, Juan Cedron, Juan José Mosalini, Juan Carlos Caceres… Ces derniers, ainsi que d'autres chanteurs, musiciens et danseurs se produisent de 1981 à 1993 aux Trottoirs de Buenos Aires dans le quartier des Halles : Haydée Alba, le Sexteto Mayor… C'est aussi depuis Paris que partent en tournée mondiale des spectacles à succès tels que Tango argentino (1983).

Le tango inspire des artistes d'autres univers musicaux. Des vedettes de la pop (Grace Jones) et de la chanson française (Guy Marchand, Claude Nougaro) contribuent à la popularisation du tango. Dans le monde de la musique classique, d'importants ensembles et solistes intègrent des œuvres de tango à leur répertoire, notamment celles de Piazzolla (Gidon Kremer, Kronos Quartet), des formations françaises inventent des fusions originales (Soledad, Artango), des compositeurs s'en inspirent (Olivier Manoury). Le tango se marie également avec le jazz. Et de belle manière grâce à Dino Saluzzi, Juan José Mosalini, Michel Portal, Richard Galliano, par exemple.

Toujours dans la danse. Depuis les années 1990, le tango renaît en Argentine et en Uruguay. Une Adacemia nacional del Tango est fondée à Buenos Aires et de nouveaux clubs, appelés « milongas » s'ouvrent. Les jeunes raffolent de la murga, forme afro et carnavalesque de la vénérable musique du Rio de la Plata. La danse tango elle-même continue de faire glisser les couples sur les pistes du monde entier, notamment sous sa forme sportive. Certains pays, comme la Finlande, en sont restés dingo à un point inimaginable… Tout indique que l'aventure est loin d'être finie. Dernier symptôme en date : l'excellente formule dub-électro des Franco-Argentins de Gotan Project qui permet d'aborder le tango d'une nouvelle façon. Ce groupe est originaire de Paris et séduit Buenos Aires. Alors… à suivre !

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Danseurs : Sandro & Veronika, fondateurs d'El Farolito
Photographe : © Pablo Rincón - pablorincon@fibertel.com.ar

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