mon premier retour d’Inde remonte à près de 30 ans et aucun voyage dans un autre pays n’a eu un impact aussi fort pas plus que ceux que j’y ai faits par la suite.
Oui l’Inde est différente et cette conversation le prouve, d’ailleurs aucun autre pays ne suscite ce genre de réflexions.
C’est un autre univers mental qui nous y attend et c’est pourquoi certains vivent aussi mal cette expérience, d’autres ne voient rien ou ne veulent rien voir ou voient ce qu’ils veulent.
Je pense que c’est une façon de se protéger.
Qu’on ne me dise pas qu’on peut rester insensible à la présence
d’enfants mutilés pour susciter la générosité des passants (occidentaux en particulier), d’hommes châtrés pour que les mariages se déroulent de bons auspices,
de mendiants qui vous suivent silencieusement pendant des heures ( cinq pour être plus précis par un père à Calcutta avec ses enfants dans les bras jusqu’à ce que je puisse lui donner quelque chose sans être assailli par une foule qui nous guettait mine de rien…),
de mendiants squelettiques et mourants au milieu de l’indifférence générale,
de riches Indiens obèses se faisant transporter par des cyclistes décharnés,
de mendiants dans un état déplorable pouvant récolter de quoi vivre pendant plusieurs jours grâce à des touristes arrêtés dans une gare perdue à la suite d’une panne et qui à la première obole vont la dépenser tout de suite,
de veuves condamnées à vivre de la charité publique parce que leur famille les a chassées à la mort de leur mari,
des femmes brulées par leur mari pour garder leur dot,
des intouchables ou hors-castes battus pour avoir marché sur l’ombre d’un membre d’une caste supérieure,
des petites filles assassinées par un chef de clan qui rendait ainsi service à ceux qui ne voulaient avoir que des garçons,
des jeunes filles violées en nombre de plus en plus grand,
du système de la dot qui condamne des familles à l’endettement parfois sur plusieurs générations,
etc. etc.
On peut évidemment
se griser de mysticisme,
admirer les magnifiques monuments,
être ébloui par les explosions de couleurs,
enivré par les odeurs des fleurs et des épices, envouté par la sublime musique,
estomaqué par les prouesses des danseurs,
se sentir revivre grâce à l’art du massage,
soigner son ego en s’ exerçant au don de soi,
etc. etc.
Pour ma part je ne me suis senti vraiment occidental qu’après mon premier voyage ( je n’avais pas de TV et j’ai acheté la plus grande que j’ai trouvée à mon retour) après tout l’Inde peut aussi servir à cela!
À chaque voyage de cinq semaines j’y ai perdu entre 13 et 15 kilos parce que je ne peux pas y manger sereinement sachant ce qu’est la réalité à l’extérieur du restaurant mais je souhaite un merveilleux appétit à tous ceux qui ne voient qu’un pays merveilleux…