Jour 1
La chaleur est écrasante, pas comme en France. Ici elle est moite, humide, tropicale. La clim est partout, elle fait un boucan d’enfer. Pendant le vol, j’ai songé à l’arrivée de Céline à New-York, la ville débout, décrite dans le voyage au bout de la nuit : « Pour une surprise, c’en fut une ». Je me suis dit la même chose dans le shuttle qui nous conduit à notre chambre chez l’habitant louée pour ce premier séjour dans la grosse pomme, au 5e étage d’un immeuble de l’upper east side, sans ascenseur.
Caroline, chez qui nous vivons, nous a proposé du café tout juste sorti du frigo ; c’est apparemment ainsi qu’on le prend ici l’été. Dans des tasses aux couleurs de la Tour Eiffel « because we love Paris ! ». Les new-yorkais le boivent dans la rue, Ils se promènent tous un gobelet en plastique à la main le matin.
Nous avons marché où le vent nous portait, au travers des avenues aux noms familiers, sans trop jeter de coups d’œil au plan. Madison, Broadway, la cinquième avenue … le brouhaha et la ville de la démesure. C’est bien ça. Tout est grand, les rues, les buildings d’acier, les voitures, les gens, les publicités criardes de Times square. On a fait des photos, en buvant beaucoup d’eau à l’ombre des gratte-ciels. On s’est dit qu’on pourrait vivre ici. On est entrés dans la fraîcheur de Grand central, dans celle de la bibliothèque, et du musée de l’art folk américain. On a mangé des salades préparées sous nos yeux, avons flâné dans Bryant Park que j’ai adoré avec ses multiples jeux et distractions, son concert de piano, ses chaises à foison, et ses new-yorkais qui prennent le temps de vivre. Les températures sont étouffantes, j’ai acheté un beau chapeau aux larges bords pour me protéger du soleil. Il était soldé à 5$. C’est à peu près la seule affaire que nous ferons ici. Tout est hors de prix, Paris à côté c’est de la gnognote. Les autochtones ont l’air plutôt gentils, même si on ne comprend pas trop ce qu’ils racontent.
Nous avons terminé l’après-midi à Central Park, le poumon vert gigantesque, qui accueille des écureuils et des tortues, pas farouches.
Jour 2
A peine le temps de faire un câlin au chat de Caroline que nous partons, en métro cette fois-ci, monter au 86e étage de l’empire state building. Nous choisissons d’y aller très tôt, dès l’ouverture pour éviter la longue queue de touristes qui s’agglutinent au cours de la journée. La vue sur New-York est celle des génériques de films et des cartes postales. On fait quelques photos pour l’immortaliser et on redescend assez vite, fuyant la légende et les français qui parlent fort. Mon amoureux me propose la visite du musée d’histoire naturelle ce que j’accepte bien volontiers pour fuir l’air déjà trop chaud.
Ce musée qui borde Central Park est immense, nous parcourons certaines allées très vite. On regarde les ossements de dinosaures au rythme des cris des enfants. Le clou de la visite fut sans conteste le passage par le ciel étoilé du planétarium, qui a toujours un effet magique sur la petite fille qui sommeille en moi. En sortant, nous traversons Central Park, direction la Frick collection, qui est « pay as you wish » le mercredi après-midi. Avant, nous cherchons un endroit où déjeuner. Il n’y a rien à manger dans le quartier, mis à part des bagels dans des camions qui sentent le graillon et les gaz d’échappement. Nous marchons jusqu’à trouver un restaurant chinois, Ikinari, sur Lexingon avenue, où l’on s’assoit côte à côte, sur des grands tabourets en bois. C’est bon même si je ne sais pas bien ce qu’on mange. Le prix est correct et les serveurs sont gentils.
On part rassasiés, voir les tableaux de Monsieur Frick, qui en avait visiblement beaucoup pour se payer cette jolie collection. Il y a trois Vermeer, deux Titien, un très beau Ingres, deux Veronese, plein de français et j’en passe. Le lieu est raffiné, à taille humaine, un patio et une fontaine l’agrémentent. On se dit qu’on reviendra peut-être une autre fois. En attendant, il fait toujours aussi lourd. On achète des cerises bien noires et on rentre les déguster dans notre petite chambre climatisée.
Jour 3
Un orage a éclaté cette nuit, faisant cingler des grosses gouttes sur le plexiglas des vitres. Je crois que c’est assez courant ici. Caroline, après avoir mis 3 glaçons dans son café, nous a dit qu’elle partait pour 2 jours à Boston, nous laissant veiller sur son chat. Même s’il ne semble pas vraiment avoir besoin de nous puisqu’il dispose d’une litière qui se nettoie automatiquement, d’un distributeur de croquettes qui s’ouvre à heures fixes et d’une fontaine à eau. On se croirait dans « Mon oncle » de Tati. L’appartement est petit mais fonctionnel. Il y a l’air conditionné dans chaque pièce. La vue depuis les fenêtres qui ne s’ouvrent pas est typique des appartements new-yorkais, me semble-t-il. Des murs en brique et des escaliers de secours branlant.
Nous avons passé la journée dans les magnifiques collections du MET, nous autorisant uniquement une petite pause déjeuner dans une épicerie très classe de Madison avenue, où tout est préparé sous vos yeux (excellent sandwich au rosbif). Le MET, c’est le Louvre, sans la pyramide. Les collections se suivent au fil des époques et on ne sait pas vraiment où donner de la tête, surtout quand nous traversons la beauté des décors persans. Mention spéciale également pour la vue depuis le toit. Nous avons évidemment insisté sur la peinture européenne (beaucoup de français) et la section moderne, avec ses Degas, Bonnard et autres Matisse. J’ai trouvé le seul Hopper du musée, juste avant la fermeture. Deux femmes qui travaillent, après la crise de 29. Deux hommes attablés, la solitude de chacun et l’incapacité de communiquer. De l’idée que j’ai pu me faire de l’Amérique en quelques jours, j’ai l’impression que Hopper s’est trompé.
Jour 4
Nous allons de bon matin, tels de vrais new-yorkais, faire une lessive dans une laverie à deux blocs de chez nous. Pendant que la machine tourne, on se promène dans les rayons d’une librairie toute proche. Ici, chose agréable, on peut boire un café et manger un donut en feuilletant son bouquin. On achète un jeu de poche, petit souvenir à 10 dollars.
La suite de la journée fut mi décevante mi surprenante. Décevante car le MOMA que nous avions prévu de visiter gratuitement s’est révélé rempli de touristes, de bruit, de fureur, pire qu’un hall de gare. On a abandonné après avoir essayé de regarder quelques Brancusi, en se promettant de revenir en payant, si c’est la condition pour voir sereinement les œuvres. Décevante également car le Whiteley muséum, gratuit aussi le vendredi soir, n’était accessible qu’après une file d’attente longue comme devant un concert de Johnny. Tant pis pour les Hopper.
Mis à part ça, nous avons pris le téléphérique surplombant l’east river, qui nous a conduit sur Roosevelt Island, magique ! Les vues sur Manhattan et le Bronx, le calme du lieu, la balade le long des quais. Il a fait un peu moins chaud ce qui rend toute promenade beaucoup plus appréciables. On s’est reposé ensuite à l’église Saint Thomas, ou un orgue nous a cassé les oreilles. Des livres pleins de chants et de prières sont à disposition de chacun. On essaie de comprendre, mais c’est évidemment abscons, pour nous, petits français incroyants. Nous décidons ensuite de nous rendre à Greenwich Village, à l’atmosphère tellement différente que ce que nous avons vu jusqu’à présent.
Le Washington Square est un endroit où se côtoient des pianistes de jazz, des jongleurs aux cheveux verts et des écureuils jouant à cache cache dans la canopée. La bohème américaine et l’esprit des sixties sont toujours là, dans ce petit parc de west village qui tient lieu de campus aux étudiants de l’université de New-York. On s’attend à croiser Kerouac ou Fitzgerald à chaque coin de rue, mais non.
On marche vers l’Ouest, en chantonnant Bleecker street de Simon et Garfunkel ; on découvre des petites rues, des boutiques, des maisons de briques rouges. Ici, pas de haut bâtiment ni de large avenue. Nous terminons la journée en contemplant le reflet des lumières des buildings dans l’Hudson, assis sur un banc, les pieds en compote mais ravis de cette journée.
Jour 5
Encore un jour de pluie. Qui ne rafraîchit qu’à peine l’atmosphère. Qu’importe, nous filons, en bus, en direction du musée Guggenheim. Jolie découverte. J’aime l’architecture en escargot, le crème des murs, l’espace aéré. Et l’exposition Giacometti, dont les sculptures si singulières recouvrent tous les étages du lieu. Quelques peintures modernes terminent notre visite. Nous continuons sur le « Museum Miles » et tombons par hasard sur un restaurant dinner aux banquettes rouges qui tombe à pic : on a faim et envie de hamburger, les premiers du voyage. Avec des frites, du ketchup et des gros cornichons. C’est rassasiés qu’on file en direction du musée juif, qui expose les carcasses de Soutine. Très belles toiles, bien accrochées, et peu de monde pour les contempler. En plus, l’exposition fut trouvée au petit bonheur la chance. Le hasard fait souvent bien les choses. J’ai un peu pris ma revanche sur les Hopper ratés de la veille. C’est avec le tonnerre qui commence à gronder que l’on se promène sous les ormes géants le long du lac Onassis de Central Park. La pluie arrive. On fait quelques photos aux ciels noirs et on rentre écrire nos cartes postales.
Jour 6
Le soleil est revenu. On est dimanche, nous partons visiter Harlem, et écouter du chant gospel dans une église réformée du quartier. On trouve sans trop de problème un institut où les gens sont souriants et bien habillés. Pas trop de touristes. On tape dans nos mains pour accompagner les chanteurs. On sent la joie de vivre et la communion. C’est écrit Jesus loves you un peu partout. Les femmes chantent d’abord, puis les hommes. C’est sympa. On fait le tour d’un parc et on se balade au milieu des HLM. Ce n’est pas le quartier qui m’a le plus enchantée. Certes ce n’est pas un coupe-gorge, mais c’est presque aussi joli que Créteil.
On repart en métro, en direction de Chinatown, à l’hopposé. Je m’attends à un petit quartier asiatique, à l’image de celui du 13e arrondissement parisien. Il n’en est rien : plein de monde dans Columbus Park et les petites ruelles qui le bordent ; les mamies jouent à des jeux qu’on ignore, sous des ombrelles pleines de couleurs. Les échoppes exposent des gadgets en plastique, les habitants ne parlent pas anglais, des banderoles rouges et dorées pendent aux balcons, des chars se décorent. En bref, une ambiance bon enfant, qui change complètement de celle d’Harlem.
On mange des raviolis vapeurs trop gras dans un restaurant qui s’appelle « Shanghai bonheur » ou quelque chose comme ça et on repart, l’estomac un peu lourd, en direction du fameux pont de Brooklyn. Pont que l’on parcourt pendant quelques mètres, avant d’être assommés par la chaleur, le monde et le moteur des voitures qui circulent juste en dessous. On fait quelques photos et l’on rebrousse chemin. On va prendre le métro pour passer de l’autre côté et avoir une belle vue sur la skyline du sud de Manhattan. On se perd un peu à Brooklyn et puis on finit par trouver la promenade longeant les berges, qui remonte jusqu’au pont de Manhattan. On se promène, on se repose sous les piles de l’armature en fer, on cherche l’ombre, on boit de l’eau, on prend plein de photos. Il y a beaucoup de monde, on est dimanche et il fait beau. Les new-yorkais semblent heureux de vivre, ils parlent fort, ils ouvrent grands les bras, ils ajoutent amazing dans toutes leurs phrases, ils en font trop.
Ils sont quand même plutôt attachants.
Jour 7
Nous partons pour le quartier de Chelsea et sa Highline, ancienne voie de chemin de fer, promenade plantée inspirée de celle de la Bastille, dont la balade est recommandée dans tous les guides. De fait, il y a du monde qui serpente entre les buildings du quartier, dont certains sont en construction. Globalement, New-York est une ville en travaux, qui semble ne jamais vouloir achever son expansion. Les vues sont sympathiques, sans être exceptionnelles. Au bout de la voie, le Whiteley muséum nous tend les bras. Il est ouvert et il n’y a personne, chouette. On paie et on file directement au 8e étage, prendre le soleil de midi au milieu des sculptures de Calder. Le prix du billet d’entrée vaut bien la vue dégagée sur l’Houdson river, le sud de Manhattan et les toits verts du quartier alentour. Quelques peintures de Hopper sont accrochées (pas toutes, dommage). Je suis venue pour elles, et en effet, les autres peintres américains et expositions temporaires paraissent bien fades à coté de ses lignes, ses couleurs, son Amérique.
Tout cela nous a mis en appétit. On déambule le long du Chelsea market en humant des odeurs alléchantes. Mention spéciale au lobster place, fast-food de la mer, ou des homards entiers sont proposés au client. On s’arrête, le temps d’un gros orage, manger sur le pouce une soupe et un sandwich. Et un cookie au chocolat faisant la taille d’une assiette. Délicieux.
A nous les galeries d’art maintenant. Je lis dans le routard que beaucoup sont fermées en juillet et août. C’est vrai. Mais beaucoup sont ouvertes aussi, pour peu que l’on pousse les bonnes portes et que l’on n’hésite pas à prendre les ascenseurs des anciennes usines réhabilités en temple bobo arty. On aime se perdre, ne pas savoir sur quoi on va tomber. Et il y a moins de monde qu’au Moma ! Les quelques rues qui renferment des galeries se révèlent assez nombreuses, et on file, avant d’avoir pu en faire le tour, en direction de l’embarcadère qui nous conduira à une croisière dénommée Harbor lights, et qui porte bien son nom. Au départ, le ciel rosé se couche sur les toits des buildings et au retour, la nuit est tombée et les vives lumières de Manhattan s’offrent à nous. En plus, 3 goutes de pluie ont fait fuir du ponton quelques touristes en sucre. A nous la vue dégagée et les photos souvenirs. Magique.
Jour 8
Écouter tomber la pluie.
Prendre la direction de lower Manhattan.
Acheter un parapluie.
Visiter le musée du 11 septembre.
En sortir moyennement convaincu.
Admirer le ground zéro et se sentir tout petit à côté du one World Trade Center.
Acheter des chaussures qui ne prennent pas l’eau.
Manger pas cher et pas bon chez subway.
Se balader dans wall street.
Longer la bourse de New-York, en baisse.
Penser aux subprimes, au capitalisme, aux attentats.
Constater qu’il ne pleut plus.
S’assoir sur un banc du cimetière de l’église de la trinité.
S’amuser du contraste entre les sépultures et les camionnettes à hot-dogs.
Décider, sur un coup de tête, de prendre le ferry pour Staten Island.
Faire un coucou à la statue de la liberté.
Accoster et prendre le premier bus qui passe.
C’est le 76, son terminus est oakwood beach.
S’y rendre.
Se désoler des ravages des tempêtes successives.
Profiter du calme de l’île et des jolies maisons.
Faire une pause à cedar grove beach.
Lézarder sur la plage déserte, les pieds dans l’eau.
Écouter les cris des mouettes et le ressac de l’océan
Avoir l’impression d’être partout sauf à New-York.
Reprendre le 76 et le ferry, tout devant.
Être aux premières loges pour pénétrer dans la baie.
Voir Manhattan nous tendre les bras.
Regarder poindre un léger soleil sur les toits de Brooklyn.
Avoir le vent dans les cheveux et le sourire aux lèvres.
Pour une surprise, c’en fut une.
Profiter d’un spectacle de danse dans Battery Park.
Regarder tomber la nuit.
Longer les buildings qui s’illuminent.
Faire des photos.
Garder des souvenirs.
S’arrêter sur le toit du Pier 26.
Prendre le métro à Tribeca.
Rentrer.
Heureux