Le tourisme sexuel

Etat des lieux

Etat des lieux
© TK Kurikawa - Shutterstock

Les différentes sortes de tourisme sexuel

Sous le terme générique de " tourisme sexuel ", on peut distinguer 3 types de commerce du corps : la prostitution, les voyages sexuels, qui proposent sur catalogue des services peu communs, et un système de copinage aux dangereux effets secondaires. Un point commun à ces pratiques, dont la seule différence réside sans doute dans le nom ou la classification qu'on leur donne : les femmes et les enfants représentent l'immense majorité des victimes.

La prostitution " classique "

Le plus répandu et donc le plus important des tourismes du sexe, est la prostitution classique. Dans des hauts lieux de fréquentation touristique, des femmes, des hommes ou des enfants attendent le chaland qui se laissera tenter par leurs appâts et services payants. Les grandes villes, les bars, les boîtes de nuit et les trottoirs sont leurs repères favoris. Dans des pays où un travail normal ne permet pas de survivre, une partie de la population, prête à tout pour se nourrir, se vend à des prix dérisoires. La prostitution classique est facilement identifiable puisque les prostitué(e)s se montrent aux clients éventuels, et par conséquent, ne se cachent pas des autorités.

Les voyages sexuels

Il existe d'autre part des voyages sexuels organisés. Par exemple, selon l'association Égalité Maintenant, des agences de voyages américaines comme G&F Tours ou Philippines Adventure Tours (Business Week en dénombrait pas moins de 25 en 1995) proposent de vous emmener découvrir les pratiques sexuelles d'un autre pays ou, plus précisément, d'assouvir vos pulsions les plus viles en vous assurant - parfois sur contrat ! - les services de jeunes filles ou garçons vierges, peur du sida oblige. Cette " clause " pousse ces tours opérateurs à recruter, pour un usage qui se veut unique, des enfants de plus en plus jeunes. Mais une fois ladite virginité perdue, ils la leur font refaire pour d'autres clients, expliquait en 1996, la défenseuse des enfants, Claire Brisset, au Monde diplomatique.

Mais il faut savoir que, contrairement aux idées reçues, les jeunes gens sont plus fragiles et donc plus enclins à être contaminés par le sida (de par leurs blessures) et donc à le transmettre à leurs clients. Des précisions qui pourraient dissuader la plupart des pédophiles de s'adonner à ce genre de pratiques. 

Des procédures contre des agences commencent à être lancées. En février 2004, une agence de voyage installée à New York (Big Apple oriental tours) a été fermée, étant soupçonnée d’organiser des « vacances » dans des pays étrangers où des jeunes filles étaient disponibles pour des rapports sexuels. Les propriétaires de l’agence ont été inculpés, ce qui en fait la première inculpation criminelle d’une agence de tourisme sexuel, installée aux Etats-Unis.

Dangereux copinage

Les " copines " en constituent un autre genre. Il s'agit de jeunes femmes qui, le temps du passage d'un touriste, en deviennent les amies et accompagnatrices privilégiées. Leurs services ne sont pas ouvertement monnayés, mais ces " copines " profitent du train de vie de leurs compagnons d'un temps. Ceux-ci leur paient toutes les sorties, les font participer à nombre d'activités auxquelles elles n'auraient pas accès autrement. Pour les " remercier ", ces jeunes filles finissent souvent au lit. L'exemple est criant à Cuba avec les jineteras. Une jinetera, c'est une cavalière, une accompagnatrice. Pudeur du terme pour désigner une prostituée occasionnelle. Des hommes aussi proposent leurs services, on les appelle les jineteros ou pingueros.

Ce véritable phénomène de société est apparu avec l'explosion du tourisme. La majorité des cavalières sont des chômeuses ou des étudiantes, en quête d'argent pour survivre et aider leur famille mais également pour s'acheter des vêtements et des chaussures : l'attrait de la société de consommation, caractéristique de notre civilisation occidentale, vue comme une société idéale par la plupart des jeunes gens de ce pays.

Au-delà de l'aventure ou des dollars faciles, draguer un Européen ou un Nord-Américain se révèle bien souvent une échappatoire : selon l'Événement du jeudi, "en 1998, plus de 3 000 Européens se sont mariés avec une Cubaine". Mais les mariages restent rares. Et ils ne tiennent pas forcément longtemps : ils n'ont souvent servi pour la fille qu'à quitter le pays, et pour les époux à vivre une aventure exotique avec une jolie fille. Le problème reste que les jineteras finissent par abandonner leur style de vie habituel, qui ne leur permettra jamais de gagner de quoi vivre comme elles l'ont fait pendant quelques jours, et à faire de la prostitution leur activité principale. Pour les autorités, cette prostitution est devenue un véritable fléau : à la nuit tombée, certains quartiers de La Havane et de Varadero sont remplis de filles en quête de touristes… 

Un phénomène identique à celui des jineteras a été observé à Saint-Domingue, depuis l'explosion du tourisme dans cette île voisine de Cuba.

Qui sont les clients ?

Les touristes qui se permettent de transgresser la morale et les lois de leur pays à l'étranger n'ont pas de profil type mais forment quand même un groupe, fût-il hétérogène. Ils profitent d'un voyage à l'étranger pour accomplir leurs fantasmes. On connaît les alibis que donnent ces amateurs de plaisirs exotiques tarifés : " Là-bas, ce n'est pas pareil : ils nous aiment vraiment. " Ou bien : " Chez eux, la sexualité est une chose naturelle. " Et encore : " Grâce à nous, ils mangent à leur faim. "
Tristes justifications… surtout lorsque l'on sait que, la plupart du temps, ils ne se soucient pas de savoir si la personne qu'ils s'offrent est majeure ou non, consentante ou pas. Parfois même ils profitent de l'absence de législation protégeant les mineurs dans le pays. Évidemment, tourisme sexuel et pédophilie ne sont pas synonymes mais, dans un pays en voie de développement, les touristes sexuels s'adonnent souvent à des relations sexuelles avec des adolescents ou des enfants. On parvient toutefois à distinguer 2 types de clients.

Le touriste sexuel " occasionnel " : un quidam

Premier lieu commun qui se révèle faux : les amateurs de tourisme sexuel ne sont pas uniquement des personnes ayant des pratiques sexuelles " déviantes " en temps normal ; hommes, femmes (4 % des clients), parfois couples, d'apparence "bien sous tous rapports" se paient du bon temps sans honte.
Ces touristes, d'un genre bien particulier, sont souvent des quidams qui, le temps d'un voyage, se laissent tenter par une offre appétissante et très bon marché. Ils profitent d'une opportunité qui leur est proposée et qu'ils ne rechercheraient sans doute pas dans leur propre pays. Nombreux, aussi, sont ceux qui se laissent tenter après avoir abusé d'une boisson alcoolisée ou lorsqu'ils sont sous l'emprise d'une drogue. 

Concernant leur profil, Le Nouvel Observateur publiait en août 2000 une étude menée par Scotland Yard. La clientèle est composée à 96% d'hommes, 73% étant occidentaux, 75% mariés et 91% se disant croyants ( !). Ils ont souvent un métier respectable et parfois même des enfants pour lesquels ils sont de bons pères. Bref, monsieur-tout-le-monde à la recherche de nouveaux plaisirs, qui se croit tout permis tant il est puissant grâce à son argent.

Le touriste sexuel " assidu " : un pédophile régressif

Dans les pays du tiers monde, certains touristes ont des relations sexuelles avec des enfants. Ce type de clients, plus nombreux qu'on peut le penser, est composé de pédophiles dits régressifs dans la mesure où ils ne s'intéressent pas habituellement aux enfants. Ils y arrivent à un moment donné de leur vie où leur activité sexuelle ne les comble plus et où ils cherchent à la pimenter du goût de l'interdit. Par dessus tout, ce qui pousse ces hommes à profiter de personnes très jeunes, c'est la quasi-assurance d'être protégé contre le sida (ce qui est faux : voir plus haut) et le besoin d'exercer une domination sexuelle. Diverses raisons à cela, notamment afin d'augmenter une capacité érectile défaillante, expliquait la psychosomaticienne Suzanne Képès au Nouvel Observateur

Parmi ces pédophiles, 10 % seulement (toujours selon Le Nouvel Observateur) le sont habituellement, voyageant à seule fin d'avoir des relations sexuelles avec des mineurs non pubères. Le reste des clients d'enfants prostitués sont des pédophiles locaux ; en Asie, les relations sexuelles avec des enfants seraient en effet une preuve de virilité prisée.

Bien que l'on puisse clairement distinguer ces deux types de clients, tous profitent et abusent de la faiblesse morale et financière de leurs victimes. Avec l'argent, ils s'offrent en effet des êtres qu'ils ne pourraient obtenir dans leur pays. Ils franchissent les frontières, ils franchissent les limites…

Quels sont les pays concernés ?

Malheureusement, l'échange des informations est souvent plus difficile que celui des corps. On peut néanmoins dresser un classement des régions les plus touchées par le tourisme sexuel : l'Asie et l'Amérique latine sont en tête, mais les chiffres sont en augmentation en Afrique, en Amérique du Nord et en Europe de l'Est.

L'Asie

C'est de loin le continent le plus touché : la Thaïlande compte deux millions de prostitués parmi lesquels au moins 300 000 mineurs. Ce pays détient le record d'abus sexuels commis par les étrangers. Chaque année, plus de 800 000 visiteurs viennent profiter de ces jeunes Thaïs. Au Cambodge, 44 % des prostituées ont eu leur première relation sexuelle avec des touristes (rencontrés dans des bars ou salons de massage), d’après une étude présentée par l’association AidéTous, engagée dans la lutte contre le tourisme sexuel impliquant des enfants. Quant à Phnom Penh, la capitale, elle compte environ 15 000 prostitués, dont au moins un tiers seraient âgés de moins de 18 ans.

Aux Philippines, en Malaisie et en Indonésie, l'industrie du sexe représenterait entre 2 et 14 % du PIB de chacun de ces pays. Enfin, la Birmanie, la Chine, l'Inde et le Sri Lanka présentent un profil similaire.

L'Amérique latine et les Caraïbes

Au Brésil, sur 100 000 enfants vivant et travaillant dans les rues, la majorité est victime de l'exploitation sexuelle. La Colombie (Bogota compte entre 5000 et 7000 prostituées de moins de 18 ans), Cuba, la République dominicaine (selon l'UNICEF, les touristes constituent 20 à 30 % des clients des prostituées à Saint-Domingue), et le Costa Rica sont également des destinations phares du tourisme sexuel.

L'Afrique

La pauvreté et les guerres sont les principaux facteurs de développement du tourisme sexuel. À Madagascar, où il se développe en ce moment à une vitesse vertigineuse, et en Zambie, la majorité des enfants qui traînent dans les rues se prostituent. En Afrique du Nord, dans des villes telles que Le Caire, Casablanca, Marrakech, Tunis, la plupart des enfants qui passent leurs journées dans les rues sont aussi des proies vulnérables à ce trafic. Au Maghreb, la prostitution passe souvent par le travail domestique et par le biais du mariage d'enfants, légitimation de leur utilisation sexuelle.

Europe de l'Est

Après l'effondrement du bloc communiste, le trafic d'enfants vers l'Europe de l'Ouest et les États-Unis ne cesse de croître. La paupérisation de l'Europe de l'Est est à l'origine du développement de cette forme de tourisme devenu un moyen de survie en Estonie, Lituanie, Russie, Pologne, Albanie et Roumanie.

Europe de l'Ouest

N'oublions pas ce qui se passe chez nous. Il y aurait entre 10 et 15 000 prostituées à Paris, dont un certain nombre de filles en provenance des pays de l'Est. Ce trafic, déjà fortement présent en Belgique, en Allemagne et en Italie connaît un fort accroissement ces derniers temps en France : Selon Le Monde du 25 août, " des centaines de jeunes femmes originaires des pays de l'ancien bloc soviétique sont acheminées vers Paris, Strasbourg et la côte d'Azur ". Des quotidiens locaux abordent la question : le 9 juillet , Nice-Matin intitulait un article " la guerre des trottoirs ". Les femmes, de plus en plus jeunes, seraient originaires essentiellement de Russie, Moldavie, Bulgarie et Ukraine.

Le réseau mondial de la prostitution

De jeunes prostituées sont exportées vers des pays voisins " demandeurs ", plus développés et plus riches que le pays d'origine, où des réseaux de proxénétisme se mettent rapidement en place. De même, les conflits sont une occasion en or de se fournir en " matière première " lors des mouvements de populations qui cherchent à fuir leur pays. Les prostitué(e)s sont éloigné(e)s de leur famille, de leur pays et se trouvent dans une situation de dépendance totale vis-à-vis de leurs souteneurs.

Le fort développement de la prostitution à Madagascar a conduit à l'exportation de cette filière à La Réunion. De même, il y a un trafic important entre l'Europe de l'Est et l'Europe de l'Ouest, entre l'Europe de l'Est et les États-Unis, entre l'Amérique centrale et l'Amérique du Nord. Et quoi de plus rentable et de plus sûr qu'une jeune personne qui ne peut prouver son identité puisqu'on lui a confisqué ses papiers et qui, si elle se fait arrêter, ne peut dénoncer ses souteneurs - qu'elle connaît à peine - de peur des représailles, notamment sur sa famille ?

Ce rapide tour du monde met en avant le dénuement des populations touchées par le tourisme sexuel. Dénuement financier, dénuement moral aussi (comme dans les nouvelles républiques de l'Est). Mais comment cette pratique fonctionne-t-elle ? Qu'entraîne-t-elle dans les pays et chez les victimes ?

Texte : Marine Goddin, Laure Delmoly et Laure Manent

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