Suisse : Gruyère, randonnée au pays du fromage

Suisse : Gruyère, randonnée au pays du fromage
© Aurélie Michel

Gruyère… Ce mot fait saliver les amateurs de fromage, mais désigne aussi une splendide région suisse, située dans le canton de Fribourg, au nord-est du lac Léman.

Pour la visiter à son rythme dès les beaux jours, la randonnée s’avère la solution idéale. Au fil du parcours, on s’émerveille devant la beauté des sommets alpins, tout en découvrant la culture locale comme les secrets de fabrication du fameux fromage.

Carnet de voyage d’une randonnée dans les montagnes des Gastlosen, au cœur de la région du gruyère.

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Gruyère : une région, une ville, un fromage

Gruyère : une région, une ville, un fromage
Fromagerie des Invuettes © Aurélie Michel

Gruyère. Tiens, voilà qui nous rappelle le nom d’un fromage… On en oublierait presque qu’il s’agit, avant tout, d’une fabuleuse région de Suisse. Ajoutez-lui un « s » et vous obtiendrez ainsi la jolie cité médiévale de Gruyères.

La Gruyère est en réalité l’un des sept districts du canton de Fribourg (la Suisse compte 26 cantons au total). Une terre de randonnées dont les plus spectaculaires conduisent au pied de la chaîne préalpine des Gastlosen.

Et le fromage, dans tout ça ? Il est intimement lié à ces fabuleux paysages. L’été, les vaches montent dans les alpages pour brouter l’herbe – et les fleurs – venues remplacer peu à peu la neige de l’hiver et du printemps. Le lait d’été donne naissance aux fameux fromages d’alpage.

En Gruyère, il existe une trentaine de fromageries d’alpage. Ce qui est magique, c’est que leurs gruyères sont tous différents les uns des autres. Et c’est normal ! Les modes de fabrication ne sont pas les mêmes (on en prépare même au feu de bois…) et la nourriture des vaches non plus : elles varient d’un terrain à un autre (marguerites sur un terrain maigre, renoncules dans les anciennes zones marécageuses…). On dit d’ailleurs qu’un champ en bonne santé doit avoir au minimum 7 couleurs. Au printemps, cela se vérifie en Gruyère. Un véritable feu d’artifice !

Chaque année, ce sont quelque 28 000 tonnes de gruyère qui sont fabriquées en Suisse. Prêt à crapahuter et à déguster de bons fromages suisses ? Alors en route !

Dans la fromagerie d’alpage de Gérard

Dans la fromagerie d’alpage de Gérard
Fromagerie des Invuettes © Aurélie Michel

Osez dire à un Suisse que le gruyère est un fromage français avec des trous et il s’esclaffera, avant de rétablir la vérité avec grand sérieux. Car il n’y a pas plus suisse que ce fromage à pâte dure ! Quant aux trous… il faudra aller les chercher ailleurs… dans l’emmental ! Si le gruyère suisse, labellisé AOC depuis 2001, devait avoir un petit frère, ce serait plutôt le comté.

Comme une démonstration vaut mieux qu’un long discours, on s’en va, de bon matin, rendre visite à Gérard Biland, agriculteur et fromager. Au départ de Charmey, une randonnée d’une heure à travers champs, sous-bois et rivières nous emmène à sa rencontre.

Bucolique, sa fromagerie-buvette des Invuettes prend des airs de « petite maison dans la prairie », avec les montagnes à l’arrière-plan. C’est ici que Gérard fabrique gruyères et vacherins suisses AOP. Le premier est un fromage à pâte dure, le second à pâte mi-dure. Mélangez les deux et vous obtenez une spécialité d’ici des plus délicieuses : la fondue « moitié-moitié ».

Chaque été, pas moins de quatre tonnes et demi de gruyère d’alpage AOP sont fabriquées ici, soit quelque 160 meules et 40 jours de fabrication. On dit d’un fromage qu’il est d’alpage quand il est fabriqué l’été, saison où les vaches sont progressivement montées dans les alpages pour brouter.

Le lait est fourni par un troupeau de 70 vaches, de race Holstein, Red Holstein et Jersey, nourries l’été à l’herbe et aux fleurs des champs. Il faut compter 1 200 litres de lait pour fabriquer quatre gruyères de 30 kg chacun et 5 mois d’affinage minimum pour un jeune gruyère. S’il a les propriétés pour bien vieillir (ne pas contenir trop de crème, par exemple), il peut atteindre 12 à 18 mois. 

Des souvenirs plein la tête et plein le ventre, on reprend la route, en direction du village de Jaun.

Le village de Jaun et les Barbus de la Gruyère

Le village de Jaun et les Barbus de la Gruyère
Barbus de la Gruyère © Aurélie Michel

Le bruit d’une cascade se fait de plus en plus clair. C’est celle du village de Jaun, à 1 015 m d’altitude. Au choix, on prononce « yaun » ou « Bellegrade », le nom français !

Discrète, cette petite commune de 750 habitants a bien des particularités. C’est la seule de Gruyère où l’on parle allemand.  Et puis il y a le cimetière du village (19e siècle), unique en son genre. Chaque sépulture est ornée d’une croix en bois sculptée, surmontée d’un petit toit. Pas une ne se ressemble, car chacune représente la vie du défunt. D’un côté de la croix, on aperçoit son hobby. De l’autre, son métier. En souvenir.

À l’origine de cette tradition, un artiste : Walter Cottier. En 1948, à la mort de son grand-père, il sculpte à l’aide d’un canif une croix en bois, faute d’argent pour faire ériger une croix en fer forgé. Depuis, c’est tout le cimetière qui est ainsi ! Une tradition perpétuée par Reynold Boschung qui fabrique les croix à la machine et tous les détails à la main. Un travail remarquable ! En y regardant d’un peu plus près, on aperçoit ici un ancien apiculteur, symbolisé par une ruche, là un ancien écrivain, symbolisé par une machine à écrire, et là encore une ménagère, occupée à tricoter…

En parlant de tradition, on croisera peut-être à Jaun l’un des fameux « Barbus de la Gruyère » qui, depuis 1941, ont fondé une société. Ils portent le bredzon, le costume traditionnel de l’armailli, un nom patois qui désigne le vacher (« armaille » signifie vache). Quand celui-ci passait tout l’été avec ses bêtes en altitude dans les alpages, il ne se rasait pas et revenait en plaine avec une longue barbe.

En route pour les montagnes des Gastlosen !

En route pour les montagnes des Gastlosen !
Jaun © Aurélie Michel

Au cœur des Préalpes fribourgeoises, Jaun est le point de départ de nombreuses randonnées, conduisant notamment vers la chaîne calcaire et escarpée des Gastlosen. Compter 4 h 30 de marche (ça grimpe dur au début !).

En traversant le village pour rejoindre le chemin de randonnée, on remarque des peintures sur les façades des maisons. Ces « poyas », comme on les appelle, représentent la montée des hommes avec les vaches dans les alpages. À pied, évidemment, puisque les routes n’existaient pas. D’ailleurs, à l’époque, le gruyère n’était fabriqué que l’été dans les alpages : la production de plaine – et donc hivernale – n’existait pas.

On aperçoit ensuite la seconde église de Jaun. Ou plutôt la toute première, puisqu’elle date de 1100 ! Comme elle était trop petite, on fit construire l’autre. Avant d’emprunter le chemin, on repasse une dernière fois devant la cascade. C’est, paraît-il, l’un des hauts lieux énergétiques de Suisse. « L’eau vient de la montagne : elle disparaît sous terre et ressort ici sept jours plus tard », explique Cyrille, notre guide. On grimpe ensuite à travers une forêt enchanteresse.

Sur notre chemin, on croise l’épinard sauvage et l’ortie. Ces deux plantes entrent dans la composition de la « soupe chalet », aux côtés du lait, du beurre, de la crème, des patates et des pâtes. Eh oui, il fallait bien tenir le coup à l’époque ! Cyrille, notre guide, pointe du doigt une autre plante, bien utile aux randonneurs celle-là : la pétasite blanche, dont la feuille, anti-inflammatoire, est à appliquer en cataplasme si on se tord une cheville.

La randonnée conduit jusqu’au Chalet Grat, une buvette d’altitude qui sert aussi des plats qui tiennent bien au corps, comme les röstis. Mais pour marcher, il ne faut point trop manger. Conseil d’accompagnateur ! Rassasié juste ce qu’il faut, on repart. Les Gastlosen ne sont maintenant plus très loin…

Au pied des Inhospitalières

Au pied des Inhospitalières
Chalet du soldat vu du col du Loup © Aurélie Michel

L’ascension continue, mais cette fois-ci au plus près des Gastlosen. Souvent comparées aux Dolomites italiennes, ces falaises de calcaire hautes de 300 m sont véritablement impressionnantes. Sur 12 km, elles dressent leurs trentaines de pics (qui ont chacun leur petit nom), comme si elles cherchaient à percer le ciel.

À leur pied, on ne peut que se sentir tout petit. Leur nom, « les Inhospitalières », prend tout son sens. D’autant plus quand le ciel se teinte de couleurs dramatiques…

D’un coup, la magie se trouve décuplée : à toute allure, deux chamois gambadent au pied de ces dentelles de roches ! Nous sommes ici en leur royaume, dont le sol est tapissé – surtout au printemps – de mille et une fleurs : orchidées, centaurées, géranium, ancolie, pâquerette des alpes, gentiane des neiges, myosotis, primevère farineuse…

La grimpette continue encore un bout de temps, avant d’atteindre le fameux col du Loup, à 1 921 m. L’endroit idéal pour faire une pause avant la descente, du moins si on n’est pas trop sujet au vertige ! La vue est magnifique. En parlant de loup, celui-ci est de retour depuis 2000. D’ailleurs, près de Jaun, des petits chanceux en ont récemment aperçu un couple…

Il est temps d’entamer la descente. Au loin, au beau milieu des montagnes, on aperçoit le chalet du Soldat, où l’on passera la nuit. À côté des gigantesques falaises, il paraît bien minuscule ! Il ne nous quittera plus des yeux, jusqu’à l’arrivée.

Nuit au chalet du Soldat : un repos bien mérité

Nuit au chalet du Soldat : un repos bien mérité
Au Chalet du soldat © Aurélie Michel

Le chalet du Soldat, lui, est tout ce qu’il y a de plus hospitalier. Sa terrasse livre une vue incroyable sur la chaîne des Gastlosen et sur la Gruyère toute entière.

Construit en 1945, il accueillait à l’origine les troupes du régiment 7 du canton de Fribourg. Avec la réforme de l’armée dans les années 70, une fondation a été créée pour gérer l’endroit, à présent ouvert aux randonneurs et visiteurs venus dormir et/ou se rassasier. Au compteur, quelque 3 500 nuitées par an.

À l’intérieur, un poêle réchauffe la salle, où de grandes tables sont installées. Par la fenêtre, les gigantesques parois de calcaire nous font de l’œil. On peut d’ailleurs apercevoir des grimpeurs du monde entier, venus s’aventurer le long des quelque 800 voies.

Les Gastlosen n’ont pas fini de nous étonner. Le clou du spectacle, c’est en toute fin de journée, quand le soleil se couche pile en face. Les falaises se teintent tour à tour de rose, d’orangé, de rouge flamboyant. Elles semblent s’embraser. Comme dans un rêve ! D’ailleurs, il faut rejoindre son dortoir.  

De chalet en chalet, jusqu’à Charmey

De chalet en chalet, jusqu’à Charmey
Chalet d'alpage © Aurélie Michel

Les montagnes des Gastlosen se réveillent doucement et c’est l’heure de repartir. 5 heures de marche sont nécessaires pour rejoindre Charmey.

À peine a-t-on quitté le chalet du Soldat, que l’on croise déjà un autre chalet, quelques centaines de mètres plus bas. Pas pour les randonneurs, celui-là ! Non, il s’agit là d’un chalet d’alpage, tout ce qu’il y a de plus typique. À la fin de l’été, on croisera donc des vaches occupées à brouter dans les alentours, au son des cloches qui sonnaillent.

Son toit est en tavillons. Ces planchettes en bois sont les ancêtres des tuiles ! Le grand avantage, c’est qu’elles résistent mieux aux intempéries. En montagne, les chalets d’alpage, occupés seulement en été, étant protégés, le toit en tavillons est de rigueur.

Si on est perdu en montagne sans boussole, ces chalets nous sont bien utiles. « Sur un côté, on distingue des espèces de meurtrières, montre Cyrille. C’est la chambre froide du chalet, où l’on maintient le lait de la traite du soir au frais. » Voilà, désormais, on sait où est le Nord ! 

Le froid va également favoriser la montée de la crème à la surface du lait.  La crème double est d’ailleurs une institution ici, en Gruyère. Centrifugée, elle est incroyablement dense et avoisine les 50 % de matière grasse. Mais quel bonheur en accompagnement d’une (ou deux) meringue suisse… c’est un dessert vraiment typique de la région.  

Après cette halte, la descente se fait à travers de grands pierriers, au pied des Gastlosen, toujours elles ! Elles nous accompagneront jusqu’à l’arrivée au coquet village de Charmey, qui possède aussi de jolis chalets anciens…

Fiche pratique

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La Gruyère

Voir le tracé exact de la randonnée des Gastlosen

Comment y aller ?

Depuis la France, en TGV Lyria jusqu’à Lausanne (3 h 40 depuis Paris) www.tgv-lyria.com. Le TGV au départ de Paris dessert aussi les gares de Dijon, Mulhouse et Bâle. Vous pouvez également vous rendre en Gruyère en TGV Lyria depuis Paris via une correspondance à Genève avec les Chemins de Fer Fédéraux (CFF), horaires et achat sur www.cff.ch

Le Swiss Travel Pass

C’est un billet tout-en-un qui permet de parcourir la Suisse en long et en large de façon illimitée en train, en bus ou en bateau. Il comprend également l’accès aux célèbres trains panoramiques helvétiques tels que le Bernina Express, les transports publics dans plus de 75 villes suisses, une réduction de 50 % sur la plupart des trains de montagne, ainsi que l’accès à plus de 490 musées. Avec la Swiss Family Card, les enfants de moins de 16 ans voyagent gratuitement avec un de leurs parents. En France, ces billets sont en vente auprès des boutiques et guichets internationaux des grandes gares SNCF.

 Adresses

Hôtel-restaurant de la Cascade (Zum Wasserfall) à Jaun (Bellegrade) : pile poil en face de la cascade, c’est le seul établissement hôtelier à Jaun. Situé dans un bâtiment vieux de 200 ans, il vient d’être entièrement rénové et offre d’agréables chambres thématiques pour le moins insolites ! Coup de cœur pour les chambres « foire au moutons » et « crème double »… Fait également restaurant.

Hôtel-restaurant Cailler : Gros Plan 28 à Charmey. Un hôtel tout confort, avec un très bel espace spa (bain turc, sauna, piscines intérieures et extérieures…) en accès direct.

Le chalet du Soldat : dortoirs hommes/femmes séparés. Il faut amener son sac à viande. Il n’y a pas de douche.

Pour y accéder, on peut aussi emprunter le Gaslosenexpress.

Marcher accompagné

Allibert Trekking : spécialisée dans le voyage d'aventure, cette agence de voyage propose deux randonnées accompagnées de 4 jours, « Les Sentinelles des Gastlosen » et « Si la Gruyère m’était contée ». À partir de 545 €/personne.

Cyrille Cantin : super accompagnateur en montagne, très pro et spécialiste des plantes. Retrouvez-le sur « Attitude Oxygen », http://www.aoxy.ch/

Conseils pour randonner

Balisage

La couleur se rapporte à la difficulté de la randonnée. 

Jaune = tourisme pédestre (pas de danger notable, pas de matériel spécifique à avoir sur soi) ;

Rouge et blanc = chemin de montagne : il faut avoir des chaussures de montagne, un minimum de vivres, des habits contre les intempéries et plus ou moins savoir lire une carte si le balisage venait à manquer ;

Bleu et blanc = chemin alpin : il faut savoir s’orienter avec des instruments (le GPS ne compte pas !), avoir un piolet et une corde pour 5 personnes.

Si on ne respecte pas ces règles et qu’il y a un souci, les secours peuvent coûter extrêmement cher.

Que faire si l’on croise un Patou ?

En général, la présence de ce chien est annoncée à l’entrée du pâturage. Méfiance : très peu sociabilisé (voire pas du tout), il peut être agressif. S’il s’avance vers nous, notre accompagnateur Cyrille conseille de poser ses bâtons de marche au sol et de ne pas s’occuper de lui (on parle entre nous). S’il ne part pas, il faut envisager de rebrousser chemin. Dans tous les cas, il faut se maintenir le plus éloigné possible du troupeau.

Les autres points d’intérêt de la région :

- La chocolaterie Maison Cailler, à Broc

- La cité de Gruyères et son célèbre musée HR Giger

- Charmey et ses bains thermaux

Deux fêtes incontournables, au mois de septembre :

- La désalpe : fête traditionnelle de montagne, quand les troupeaux reviennent en plaine après avoir passé tout l’été dans les alpages. On y croise à coup sûr les Barbus de la Gruyère !

- La Bénichon du pays de Fribourg

Texte : Aurélie Michel

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