Larzac, d’autres vacances sont possibles
Montredon, l’anti-marché
En première ligne des expropriations prévues par l’armée dans les années 1970,
le hameau de Montredon (où vit José Bové depuis trente ans) n’a rien perdu de
sa flamme militante. Tous les mercredis soirs d’été, il vit au rythme de son
« anti-marché ». Miels, confitures, vins, pastis, fruits et légumes
du jardin, fromages de brebis et de chèvre, grosses miches de pain… « Chaque
étal propose un produit différent », explique Christiane, membre de la Confédération
paysanne et pourvoyeuse officielle de pêches et de brugnons. « On peut donc
y vendre, acheter et consommer en dehors de tout climat concurrentiel. »
Au stand barbecue, deux barbus rigolards. Un peu plus loin, un libraire goguenard :
« Je n’ai pas vendu assez de bouquins pour me nourrir toute la semaine.
Il serait temps de venir me voir, bonnes gens ! »
Une fois leurs provisions effectuées, Caussenards vrais de vrais, citadins
des alentours et touristes avertis s’installent dans le pré d’à côté pour un
pique-nique improvisé. Beaucoup se connaissent, ont plaisir à se retrouver.
Les habitués commentent. « Il y a huit ans, ce n’était pas comme ça »,
regrette une dame de Saint-Affrique. « Je viens depuis cinq ans, c’est
toujours comme ça ! », s’enthousiasme un jeune néo-bab.
Mais où est Bové ? À chaque moustachu, on sursaute. « C’est lui,
tu crois, c’est lui ? » Ah non, trop gros, trop vieux, trop blond…
« José doit être à Paris », souffle Christiane. Mais l’esprit
du plus médiatique des paysans syndiqués plane sur le Causse. Ici, beaucoup
arborent encore le tee-shirt du grand rassemblement altermondialiste d’août 2003.
« 300 000 personnes sur le plateau, les moutons n’en revenaient
pas ! », se souvient Claire, Parisienne d’une trentaine d’années. « J’étais
bénévole à la buvette. Un poste stratégique, vu le cagnard et le manque d’eau !
Comme moi, beaucoup de participants n’étaient pas des militants, mais des personnes
désireuses de mettre un peu de beurre (bio) dans les épinards (sans OGM) d’une
réflexion sur notre société et nos valeurs. »
Dans la lumière du soir, le Larzac se nimbe de douceur. Une jeune femme
propose une tasse de café équitable. Un membre du Cun du Larzac distribue des
tracts pour une soirée « pizza-discussion ». Assis sous un arbre,
un groupe de vieux messieurs discutent le bout de gras. Dire qu’à quelques mètres
de là, se dressent les barbelés, panneaux d’avertissement et routes privatives
du camp militaire !
Texte : Réjane Ereau
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