En lisant cette discussion, je repensais à ce joli coin de nature qu’on trouve autour de Las Terrenas, pour ne pas dire toute la péninsule de Samana. Je suis assez amusé par les messages certains vendeurs de rêves locaux, qui ont tendance à enjoliver la réalité pour des raisons compréhensibles.
Je pense que le touriste pressé, qui passerait au plus une semaine à Las Terrenas, pourrait en effet rentrer enchanté de sa visite: l’endroit est plutôt plaisant, les plages agréables, et les curiosités locales ne manquent pas. Les structures d’accueil et de restauration couvrent un spectre assez large, qui convient à beaucoup d’envies et de budgets.
Pourtant, celui qui s’attarderait un peu plus longtemps et en gratterai le vernis percevrait d’autres réalités qui porteraient peut-être moins au rêve.
Passée la surprise de la découverte, un autre sentiment peut vous gagner…
Une chose notable est le nombre d’expatriés, en particulier une communauté française de quelques milliers d’âmes qui peuplent l’endroit. On pourrait y voir comme un clin d’oeil de l’histoire, une sorte de trace napoléonienne . Pour un francophone fraîchement débarqué, il est de prime abord rassurant de sentir cette présence. Il est également amusant de noter que certains autochtones vivent cette situation comme une occupation!
Le ‘Gringo’, qu’il soit touriste de passage ou sédentarisé est plutôt bien accueilli, car il jouit d’un prestige en rapport avec son pouvoir d’achat. Pas trop d’illusions sur les sourires qui sont de circonstance et dissimulent rarement autre chose.
Il faut avoir parcouru les nombreux chemins qui traversent la péninsule, pour réaliser que la vie dans ce coin de campagne reculée est restée très grégaire. Les travaux des champs et les activités primaires sont majoritaires. Tout comme les moeurs locales: la condition féminine n’a rien à envier à beaucoup de villages africains, où le côté tribal et le poids de la famille restent prédominants.
Dans ce contexte, beaucoup d’occidentaux ont trouvé une occasion merveilleuse de retourner au moyen âge: ils viennent facilement réduire en esclavage, ou jouer les seigneurs à moindres frais. Ecoutez les parler des dominicains avec condescendance, comme d’une population de papous de Nouvelle Guinée.
Las Terrenas, à vécu ces vingt dernières années une invasion massive d’entrepreneurs de tous calibres, qui ont construit hôtels et résidences, dans l’espoir de capitaliser rapidement. Cette inflation de constructions a dans un premier temps fait flamber les prix, et attiré une clientèle d’investisseurs. Aujourd’hui la tendance semble à la baisse, car le nombre de biens à la vente surclasse de loin la demande, compte tenu des tarifs devenus déraisonnables.
Ce monde bipolaire est donc partagé entre une grande majorité de dominicains qui vivent chichement, faute de moyens et de qualifications, et les expatriés, ces conquérants d’un nouveau monde en devenir. On notera que ces derniers étaient parfois des parias dans leurs pays d’origine, partis pour fuir la justice, ou en quête d’exotisme facile, ils représentent une sorte de piraterie des temps modernes.
Amis touristes, vous rêviez de remonter le temps?
Contempler des formes féodales de bêtises et d’injustices sur fond de plages et de cocktails variés est un plaisir rare: seuls les vrais amateurs pourront apprécier!
Alors, venez donc faire un petit tour à Las Terrenas…
Caspar Barlaeus