Bonjour,
Quasi incrédule de voir un itinéraire qui sort un peu des sentiers battus et ne se termine pas par la sempertinelle descente dans quelque île “paradisiaque”. De Bangkok aux extrémités du royaume de Lan Na, vous allez silloner les hauts lieux de l’histoire siamoise.
Toutefois, je pense que vous n’avez pas intérêt à établir un programme trop rigoureux. Votre principal souci viendra des transports, qui sont lents et peu pratiques dès qu’on sort de l’autoroute touristique traditionnel Bangkok, Ayutthaya, Sukhothaï, Chiang Maï, les néléfants bien traités, le petit trek dans le triangle d’or et l’avion vers Phuket. L’idéal serait évidemment de louer une voiture, mais pour un mois, ça coûte bonbon, et la conduite est plutôt rock and roll et dangereuse en Thaïlande. Vous risquez de passer énormément de temps à attendre les bus ou les trains, (ou de vous ruiner en faisant appel à des taxis ou à des minivans), ce qui mettra à mal vos plans et prévisions. Établissez une trame générale très souple que vous modifierez ou adapterez éventuellement sur le terrain en fonction des aléas.
Pour le reste, si vous cherchez des suggestions, en voici quelques-unes :
À mon avis, deux jours à Bangkok, c’est insuffisant. Il y a des centaines de choses à voir, tout à fait passionnantes, si vous sortez du cercle infernal Kao San Road, Wat Phra Keo (à mon avis très surestimé et sans grand intérêt, à part pour les fresques illustrant le Ramakien qui ornent le pourtour du cloître. Le wat Pho me paraît beaucoup plus intéressant) et la traditionnelle balade sur les klongs. Une visite au Musée national s’impose (rien que lui, vous en avez pour la journée), la maison de Jim Thompson vaut le détour, les marchés sont des étapes à ne pas manquer (par exemple le Pak Klong Talat, le marché aux fleurs, à voir la nuit, ou le Khlong Toei Market, avec ses tonnes de barbaque et de poissecaille qui puent et soulèvent le coeur, évitez Chatuchak, c’est bondé de touristes). Bref, on peut passer un mois à Bangkok sans en avoir épuisé toutes les ressources.
Pourquoi pas une journée à Lopburi, l’ancienne Lawo, à une soixantaine de kilomètres d’Ayutthaya ? Il y a des tas de choses à y voir d’un intérêt certain pour qui aime les vieilles pierres (mais une ville sans grand intérêt pour qui ne les aime pas particulièrement) : carrefour de trois civilisations, Dhavarathi, Khmère, Siamoise, avec des réminiscences françaises et portugaises, cette petite ville est un condensé d’histoire. Et, à quatre ou cinq kilomètres, se trouve le site de Thale Chubson, où le roi Naraï avait établie sa résidence, où il regardait les éclipses de lune avec les missionnaires jésuites français et où fut exécuté Phaulkon. Vous pourrez même y voir les vestiges du système d’irrigation conçu par l’ingénieur français La Mare en 1686-87. Et accessoirement, il y a des singes à Lopburi. Si vous ne les voyez que comme des macaques, ce sont des bestioles couvertes de vermine, mais ils prennent une certaine majesté si vous les considérez comme les descendants d’Hanuman, le singe fils du vent du Ramakien qui prêta assistance au roi Rama d’Ayutthaya dans sa lutte contre Ravada, le roi des démons. Pour les remercier de leurs bons services, le roi tira une flèche en l’air et dit à Hanuman et à ses guerriers que là où elle était tombée, ce serait leur royaume. Les singes cherchèrent la flèche, et la trouvèrent à Lopburi, qui devint le royaume d’Hanuman.
D’Ayutthaya à Sukhothai, pourquoi pas une escale à Phitsanulok, l’ancienne Song Khwe ? Les touristes vont dans les anciennes capitales, Ayutthaya, Sukhothaï, mais ils ignorent qu’il y en eut une troisième pendant quelques décennies au XVe siècle sous le règne du roi Traïlok (et même une quatrième, Thonburi, sous le règne du roi Taksin, après la mise à sac d’Ayutthaya en 1767). C’est d’autant plus facile que le train y va directement depuis Ayutthaya, et qu’on peut facilement rejoindre ensuite Sukhothaï par bus, ce n’est qu’à une soixantaine de kilomètres. Ne manquez pas le Phra Bouddha Chinnarat du wat Phra Sri Rattana Mahatat, et tâchez de trouver un restaurant qui sert le spectaculaire phak bung loy fa, le “chou flottant dans les airs”, spécialité de la ville.
Vous pouvez également envisager un crochet par Kamphaeng Phet, où se trouve un très beau parc historique largement ignoré des touristes. Là encore, un condensé d’histoire, et un style bien reconnaissable, avec ses chedis érigés sur des bases carrées. Ne manquez pas le wat Chang Rob avec son chedi (ce qu’il en reste) entouré d’éléphants dans le style de Sukhothaï, et vous pouvez traverser la rivière Ping pour voir sur l’autre rive d’autres vestiges dignes d’intérêt. Vous vous y sentirez bien seul.
Les centres d’intérêt sont innombrables sur le parcours plutôt “culturel” que vous envisagez. Malheureusement, beaucoup de sites ne sont pas correctement entretenus, tombent en ruine dans l’indifférence générale, tout le monde s’en fiche, et la méconnaissance - et le désintérêt - des Thaïlandais eux-mêmes de leur histoire surpasse encore largement celle des Français persuadés que Louis XIII a succédé à Louis XII.
Cordialement.