Bonjour,
Sur Pattaya et ses scintilliantes turpitudes, essayez plutôt “La Fleur du capital” de Jean-Noël Orengo, chez Grasset. C’est magnifiquement bien écrit, et ça vous fera de l’usage, c’est un pavé de presque 800 pages.
Mais pour se mettre dans l’ambiance thaïlandaise, rien ne vaut la littérature thaïlandaise. Le choix est limité, tant cette littérature- à l’égal de la production cinématographique - est pauvre, consternante de bêtise et de nullité, engluée dans la romance à trois balles, le fantastique plus ou moins gore ou ce qu’on appelle le (mauvais) bit-lit. Malgré quelques exceptions tout de même, connues bien davantage à l’étranger que dans le royaume, ou personne n’a même jamais entendu citer leur nom et où, d’ailleurs, quasiment personne ne lit.
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Pira Sudham. C’est, à mon avis, le plus grand écrivain thaïlandais vivant. Conscient du potentiel de lecture de ses compatriotes, Sudham écrit en anglais, et l’on peut trouver en français “Terre de mousson”, chez Picquier. Peut-être peut-on encore dénicher en occasion “Enfances thaïlandaises”, chez Fayard. Son ouvrage majeur “The Force of Karma” n’a pas été traduit en français, c’est bien dommage (avis aux bonnes volontés). Et si l’on s’intéresse à autre chose qu’à la plage, on peut s’immerger dans la Thaïlande profonde en allant faire un tour jusqu’à Napo, près de Buriram, le village natal de Pira Sudham dans l’Isan.
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Marcel Barang : c’est un nom incontournable pour les francophones qui s’intéressent à la littérature thaïlandaise, puisqu’il a traduit (et révélé) de nombreux romans d’écrivains siamois (révélés à l’Occident, car ils sont tous quasiment inconnus dans leur pays). Beaucoup de ces livres, hélas, sont épuisés, et il faut se rabattre sur l’occasion. Parmi ces révélations, l’une a été particulièrement fulgurante : Saneh Sangsuk, et son premier roman “L’Ombre blanche - Portrait de l’auteur en jeune vaurien”. Autobiographie sulfureuse et torturée, ça ne se raconte pas, ça ne se résume pas, disons plutôt que ça s’injecte, comme un poison, ou un antidote. Toujours de Saneh Sangsuk, Marcel Barang a également traduit “Venin” et “Une histoire vieille comme la pluie”, à déguster sans modération, et “Seule sous un ciel dément” dont je ne ferai pas l’éloge, ne l’ayant pas encore lu.
Toujours traduit par Marcel Barang, on pourra lire “Sonne l’heure”, de Chart Korbjitti. C’est austère et difficile, déroutant, disons que c’est de la littérature expérimentale et le thème - une chronique aigre-douce de la vieillesse dans un hospice à Bangkok - n’est peut-être pas le plus indiqué comme lecture de vacances. Parmi les autres titres traduits par Barang, L’empailleur de rêves, Fille de sang, La Chute de Fak, etc. Bref, que de l’authentique, bien loin des crétineries pondues par les Occidentaux qui veulent témoigner des histoires d’amour torrides qu’ils ont vécu lors de de leur semaine de vacances passée à Kao San Road.
Et puis, un phénomène qu’on ne peut passer sous silence, Somtow Sucharitkul. Le bonhomme a du sang royal - il serait apparenté à la dynastie Chakri - ce qui est un puissant moteur pour faire une carrière en Thaïlande. Musicien, il fut pendant longtemps le maître absolu de la vie musicale classique, directeur et chef de l’Opéra et de l’Orchestre symphonique de Bangkok. Auteur de cinq symphonies et du premier opéra thaï (en anglais), Mae Nak, il se lança également dans la science-fiction, sous le pseudonyme de S. P. Somtow. On peut trouver de lui, en français, la Trilogie de Timmy Valentine (Valentine, Vampire Junction, Vanitas), Fille de vampire, La Danse de la lune, et sans doute d’autres, chez Marabout et chez J’ai Lu. J’en ai lu deux et j’ai arrêté le supplice tant j’ai trouvé ça nul. Mais il y a des amateurs. Au demeurant, c’est tout à fait dans l’esprit thaï, et ça éclaire bien la fascination des thaïlandais pour l’hémoglobine et les esprits, fantômes, apparitions, revenants, les innombrables “pi” qui peuplent l’inconscient collectif siamois et qu’on retrouve dans toutes les séries télévisées, et même dans les discours officiels.