Le Rajasthan se résume difficilement en un seul Carnet de Voyage. Je vous propose donc de revenir sur mon coup de cœur, à savoir Jodphur. Celle qu’on surnome le trésor bleu du Rajasthan fût, pour moi, la parenthèse de douceur dans une inde qui donne souvent le tournis.
Voilà plusieurs jours que nous sommes arrivés en Inde du Nord.
Après l’effervescence de Delhi, nous arrivons très tôt à la gare de Jodphur, deuxième ville du Rajasthan. Celle qu’on surnomme la Ville Bleue en raison de la couleur de ses maisons sera mon coup de cœur du séjour.
Nous grimpons dans un TukTuk, direction The Blue Guest House, l’une des maisons d’hôtes qui possède une vue à 360° sur la ville et sur son Fort, le sublime Meranhgart Fort. La montée est raide et la route sinueuse mais le TukTuk se faufile, passant parfois à quelques millimètres des édifices ou des vaches sacrées qui roupillent au milieu de la route.
Une fois arrivés, nous profitons de ces quelques minutes de paix sur la terrasse offrant une vue imprenable sur Meranhgart qui domine la ville de toute sa splendeur, avant de partir explorer à pied ses vieilles ruelles.
Jodphur nous surprend déjà par sa propreté. Tout voyageur qui débarque en Inde restera perplexe devant l’insalubrité de certaines rues, un développement très rapide d’un pays de plus d’un milliard d’habitants n’est pas sans conséquences… À Jodhpur, les ruelles étroites sont très bien entretenues et les marchands de rue dépoussièrent et balayent toute la journée leurs étals.
On trouve de tout à Jodphur dans ses petites échoppes le long des rues de la vielle ville. Des produits de consommation courante, aux tissus et autres saris resplendissants sans oublier les épices et les fruits et légumes colorés qui agrémentent la rue. En cette période de Holi, la célébration de l’équinoxe du printemps, aussi appelée Fête des Couleurs, les indiens sont d’humeur festive. Une allégresse générale dans les rues, où l’on croise, déjà, des indiens aux vêtements recouverts de poudre de couleurs.
La ville bleue porte bien son nom
Chaque coin de rue, chaque petite place, est un tableau. Les façades si bleues, si intenses sont propices à la balade, même sous une chaleur étouffante. Je lis dans les guides que le bleu des maisons aurait signifié que celles-ci appartenaient à un Brahane, l’une des quatre castes indiennes. Une autre explication, que nous ont partagée les Indiens rencontrés, plus concrète, est que le bleu permet de protéger les maisons du soleil et de la chaleur. Enfin, une dernière explication est avancée : la couleur bleue serait un repoussant efficace contre les moustiques…
Sur l’une des places, proche d’un des nombreux temples Indous de la ville, une buvette improvisée a été installée par les habitants. Les derniers tubes bollywoodiens résonnent à fond dans la rue. Les indiens nous invitent à nous y arrêter, à danser et à déguster un Tchai. Il fait chaud, très chaud et la foule est de plus en plus nombreuse. C’est la sortie du temple. Les indiens ont déjà commencé à célébrer la Fête des Couleurs ici. Ils nous invitent chaleureusement à rentrer dans le temple Hindou pour y découvrir un parterre parsemé de fleurs, de poudres de couleurs rose, orange, verte, bleue…
On nous offre aussi des biscuits qu’il faut couper puis partager avec un inconnu. Nous recevons l’habituel Bindi, ce point de couleur qu’on vous place au milieu du front.
Mon Info + : Le Bindi, souvent de couleur rouge, est avant tout un symbole de chance et de festivité. Historiquement, il possède plusieurs évocations religieuses mais désormais, il apparaît dans la plupart des cas, comme un bijou d’ornement, un signe d’intégration et de festivité.
Des enfants courent partout dans le temple et s’amusent, avec un peu d’appréhension, à nous jeter de la poudre. Durant Holi, il existe un geste, bien particulier, pour jeter une couleur sur une personne. Il faut, dans un premier temps, mettre de la poudre sur sa main et venir caresser les deux joues de son interlocuteur, en lui souhaitant un « Happy Holi ». Ce geste se termine ensuite par une embrassade, de gauche à droite, qui vient illustrer tout le sens qu’on donne à cette festivité où les barrières sociales tombent et les castes se mélangent le temps d’une journée. On intègre ainsi la personne dans son espace et on lui souhaite de la chance pour le reste de l’année.
Nous ressortons du temple, un peu sonnés mais ravis. Cet instant improvisé annonce pour nous le début des festivités de Holi qui se poursuivra jusqu’à Mathura, la ville de naissance de la déesse Krishna, divinité centrale de l’hindouisme.
Nous continuons notre marche dans les ruelles étroites de Jodphur, le visage et les cheveux teints de rose et de rouge. Tous les indiens que nous croisons, nous souhaitent un « Happy Holi » avec un sourire malicieux. Ils sont ravis de nous voir ainsi, intégrés dans leur culture, participer à leur fête nationale.
Nous arrivons sur la place du Marché, située près de la Clock Tower. Si l’édifice ne retiendra pas forcément notre attention, la vue en hauteur sur le Ghanta Ghar Market, situé tout autour est passionnante. Observer le balet des vendeurs de babioles, des femmes Bishnoïs, cette communauté typique de Jodphur si reconnaissable à leur tenue vestimentaire, qui viennent en ville vendre des bijoux, les terrasses de café bruyantes, les cris des vendeurs à la sauvette…
Les Bishnoïs, premiers écologistes du monde
Jodphur est ainsi connu dans le monde entier pour sa communauté Bishnoïs. Une communauté d’Hindous suivant vingt-neuf principes édictés par leur gourou et pratiquant un mode de vie unique caractérisé par une forte préservation de toute forme de vie : végétarisme, forte protection des animaux et des arbres… Surnommés « les premiers écologistes du monde », les Bishnoïs, ce peuple du désert, ont un rapport unique avec les animaux, allant jusqu’à partager avec eux leurs récoltes, les soignant et les protégeant au péril de leur vie.
Chaque Bishnoïs plante chaque année un arbre avec lequel il va partager la moitié de son eau pendant plusieurs années… Je reste bouche bée en découvrant les villages et le mode de vie de cette incroyable communauté de quelque 700 00 individus, qui vit hors du temps. Je n’avais jamais entendu parler d’eux et je suis fier aujourd’hui, de pouvoir les connaitre, un peu mieux.
Nous nous arrêtons pour profiter un peu de la fraicheur à une adresse incontournable du quartier, le Shri Mishrilal Hotel où nous dégustons de délicieux Lassis, cette boisson typique de l’Inde à base de lait fermenté à la mangue, un délice. Une excellente boisson reconnue d’ailleurs pour apaiser les repas épicés…
La nuit tombe doucement. Nous laissons l’agitation de la place pour nous rendre à pied jusqu’au château de Meranghar, l’un des plus beaux édifices du Nord de l’Inde construit par le fondateur de Jodhpur, le Rao Jodh. L’audio guide ici est indispensable tellement le lieu est fort d’une histoire incroyable, entre quête du pouvoir et extravagance des Mahrajahs successifs.
Le soir, les vols d’oiseaux autour des remparts en calcaire ocre rouge du Fort, créent un balai incessant sur les façades reflétant le coucher de soleil sublime sur la ville. Cette façade est magique de détails, de reliefs et de reflets, la finesse de l’ouvrage est époustouflante. Jodphur nous a conquis. Sa vieille ville où l’on s’y promène pendant des heures sous une chaleur étouffante, ses nombreux marchés aux multiples couleurs, son fort incroyable de démesure et surtout l’accueil de ses habitants.
Notre périple continue, nous prenons le train pour Jaïpur demain, déjà.
A très vite Jodphur, ma ville bleue : je reviendrai c’est promis.