Faut-il encore voyager en Chine ?
Ou plutôt, est-il responsable et raisonnable de voyager en Chine aujourd’hui ?
Ce petit texte fait suite a plus de huit annees passees en Chine et aux quelques voyages que nous avons pu y faire.
Les choses ont commence a mal tourner apres 2010. Les Chinois ont commence a decouvrir les joies du « voyage libre » et des activites outdoor. Circuits de randonnees, parcs nationaux et guest houses ont commence a se developper a toute allure, avec chaque parties pressees de s’en mettre plein les poches, quitte a tout detruire au passage.
Notre dernier beau voyage a été le Gansu et le Sichuan en mai 2010. Je n’ose aujourd’hui imaginer ce qu’il reste, ou ce qu’il ne reste pas, de Langmusi, de Danba, des Namo Gorges. A l’epoque, Leisha’s Kitchen ouvrait ses portes, et on y mangeait les meilleures frites de Chine et le meilleur steak de yak du monde. Déjà, la vallee se remplissait de detritus, déjà, Songpan nous avait horrifies ; mais l’emerveillement l’emportait largement sur les deceptions.
Puis il y eut d’autres voyages et une impression de descente aux enfers. Yupeng (Yunnan) ou tous les Blancs du bus eurent a payer 235rmb par jour de residence. Mon mari frappe par un garde pour avoir demande des explications. Le Dongbei et ses parcs nationaux a 300rmb par jour. La police a notre hotel parce que nous avions laisse voiture et guide au repos pour aller marcher. Le Xinjiang et ses villes interdites aux Blancs. Pres de chez nous, en rando autour de Pekin, la police qui nous arrete sur une route de campagne ; des vallees privatisees du jour au lendemain ; un ami frappe par un garde (encore) parce que nous voulions sortir d’un parc par l’arriere ; Yungmengxia qui d’annee en annee voit son cour sauvage comble par des barrages ; il y a deux ans ou nous avons marches 14h avant de trouver un village et de l’eau parce que la route était « fermee ».
Au nom de la protection des sites, bien sur.
Apres tout cela, nous avons decide en 2015 que nous ne voyagerions plus en Chine. Cette impression d’etre a la fois les dindons et les complices du massacre n’est plus supportable.
A ma famille et mes amis, je conseille desormais le Japon, le Viet-Nam ou Hongkong… quelle tristesse, quelle realite. Mais quel bonheur ces pays pour lesquels je n’ai d’autre qualificatif que « normaux ».
C’est une question que je souhaitais partager, parce qu’elle se pose a tous ceux qui envisagent de venir en Chine, qui n’imaginent peut-etre pas jusqu’à quel point la situation est critique pour les espaces naturels, jusqu’à quel point leur liberte sera reduite a cause de leur statut de touristes. Car moins vous connaissez la Chine, moins vous parlez la langue, moins vous serez en mesure de vous rendre compte que votre presence en elle-meme detruit les sites, moins vous serez en mesure de realiser que vous voyagez dans un couloir, un couloir a billets verts ou seule une fraction infime de vos depenses beneficiera reellement a l’economie locale ou a la protection des sites. Combien sont revenus emerveilles de trois semaines de vacances en Chine, sans realiser qu’autour des sites classes regne la destruction des villages et de la culture agricole ?
Bien sur il y aura toujours des rencontres formidables et des paysages inoubliables ; la question est de savoir si, par notre presence, nous les protegeons ou les detruisons. En Chine, la reponse est claire…