Je suis allé passer le 1er janvier au Ghana, dix jours au total.
Je suis un cas un peu particulier : j’habite depuis longtemps Sao Tomé et Principe, un petit archipel de langue portugaise situé à 1h20 de vol d’Accra. En tant que résident à Sao Tomé, je peux acquérir le visa à l’aéroport, sans avoir besoin de longues et désagréables démarches dans une ambassade. Cel n’a pas emêché que les services chargés d’octroyer ce visa nous escroquent dans les grandes largeurs, mon compagnon et moi, réussissant, à travers des opérations de change compliquées et profitant du fait que nous n’étions pas encore habitués à la monnaie locale (le cedi) à nous faire payer le double du prix affiché - lequel n’est pas donné : 75 € par visa, montant qui est devenu, une fois que, sortis de l’aéroport, nous avons recompté les cedis qu’on nous avait rendu, 300 € pour deux. Oulle ! Mauvais début !
Bon, mais la suite du voyage nous a montré un comportement des Ghanéens très différent. Est-ce parce que mon compagnon était Santoméen et black ? Les gens le prenaient toujours pour un Ghanéen. Or, il ne parle pas un mot d’anglais. Résultat : dans certaines circonstances (taxi, négociations au marché), il restait à côté de moi sans ouvrir la bouche, mais prenait un air réprobateur lorsqu’on sentait l’arnaque (arnaque d’ailleurs pas pire qu’ailleurs en Afrique ou dans les pays touristiques) , et le chauffeur de taxi ou le commerçant baissait vite ses prix, pensant que le supposé Ghanéen allait intervenir pour lui demander de na pas plumer excessivement '“son” Blanc (ou, ne racialisons pas, son touriste). Dans la plupart des cas, cependant, les gens s’adressaient à lui directement, soit en anglais, soit dans une des langues locales ; et étaient renversés d’étonnement en constatant qu’il n’y comprenait rien et leur répondait “I don’t speak English, only Portuguese” (une des 2 ou 3 phrases qu’il avait apprises). Là, je faisais l’interprête, et les gens étaient très curieux de savoir comment on vivait à Sao Tomé ; cela servait d’introduction, et ensuite, les rapports étaient d’une grande cordialité. D’ailleurs, même les rares fois où je me suis baladé seul, j’ai trouvé les gens très gentils, toujours extraordinairement serviables, pas du tout pourris par le tourisme dans les quelques localités où l’on voit des touristes (essentiellement des Afro-Américains venus visiter les lieux de concentration des esclaves avant leur déportation en Amérique).
Sur le côté proprement touristique. Les bons points : une excellente musique dans tous les lieux publics ; une campagne vallonnée agréable (nous avons voyagé en bus, uniquement dans le sud : Accra, Cape Coast, El Mina, Koumassi), quelques beaux paysages (je recommande particulièrement le lac Bosomtwi et le charmant petit ensemble de bungalows Cocoa Village), de très beaux monuments datant de la période où Portugais, Hollandais, Anglais, Danois construisaient des forts sur la côte pour y trafiquer l’or et les esclaves (15è au 18è siècles). Un réseau routier plutôt bien entretenu. A Accra, une architecture moderne parfois très réussie (j’ai beaucoup aimé le Théâtre National, le nouveau palais présidentiel, et quelques immeubles d’affaires audacieux).
Des plages littorales rectilignes, une mer à forts rouleaux, et, presque partout, des plages souillées par la pollution, à donner la nausée parfois (mais il y a quelques petits endroits d’exception, à Cape Coast, notamment, où les plages sont nettoyées ; et devant les hôtels de luxe ; mais là, les gardes voulaient empêcher mon compagnon d’y aller avec moi, et ne se ravisaient que lorsqu’ils comprenaient qu’il n’était pas Ghanéen).
Ce qui m’a énormément frappé, moi qui ai vécu dans plusieurs pays d’Afrique avant de me fixer dans mon lieu de résidence actuel : la rareté des bars, restaurants et autres lieux de socialisation et de rencontre (mais peut-être n’avons-nous pas su les trouver). Quand même, on peut faire 2 h de marche dans Accra (quartier du marché, puis ville moderne des grands immeubles, puis front de mer) sans rencontrer ni un bar ni un restaurant ; seulement des vendeuses sur une table au coin de la rue qui font la bouffe (une bouffe strictement réduite à riz-poulet, et parfois riz-poisson, + bananes sous toutes leur formes) ; les gens mangent cela à la va-vite, debout sous le soleil, au milieu des gaz d’échappement. On m’a indiqué qu’il fallait aller à Ozu, l’unique quartier d’Accra où l’on trouve restaurants, bars, discothèques et animation nocturne (ailleurs, c’est couvre-feu à 20h). Une journée à Ozu : j’ai dénombré 4 fast-foods et 1 restaurant chinois + 2 cafétérias de super-marché. Toute la bonne société ghanéenne, vêtue sur son 31, se répand aux fast-foods ; fast, pas tout à fait : on y attend son hamburger 40 minutes.
Pas mieux dans les autres villes de la côte que j’ai visitées : Cape Coast et El Mina.
Maintenant, je comprends mieux pourquoi nous recevons dans l’île de Sao Tomé de plus en plus de voyageurs venant du Ghana (expatriés et Ghanéens ayant les moyens) qui tombent en pâmoison en racontant qu’ils viennent de découvrir le paradis : ce ne sont pas seulement nos paysages spectaculaires, mais plus encore le fait qu’on rencontre de petits bars restaurants dans la capitale à peu prrès tous les 100 mètres ; qu’on ne peut pas traverser un village le soir sans voir les gens boire et danser sur la route ou sur une petite place publique ; que la cuisine créole est toujours savoureuse, et qu’on trouve , à des prix encore raisonnables, des restaurants d’une gastronomie raffinée et variée ; et une hôtellerie mieux tenue (à niveau de prix équivalent ; on a résidé dans des établissements modestes). Bref, malgré leur grande gentillesse, les Ghanéens nous ont paru, non seulement réservés (ce peut-être une qualité), mais un peu coincés ; et le pays, pas encore très qualifié en termes de services touristiques.
Bon au total, une expérience intéressante ! Mais pas un must touristique.
Jacques