Quand on fait un aller-retour Paris / Pointe-à-Pitre, on brûle environ 250 000 litres d’essence dans l’atmosphère. Une fois arrivé, si vous faites du jet-ski, vous passerez de 250 000 litres à 250 040. Autrement dit ça ne change pas grand-chose, le mal est fait avec l’avion.
Mais il ne s’agit pas de donner de leçons d’écologie. Est-ce que je dois me passer d’essence et attendre que le reste du monde fasse comme moi ? D’un point de vue sociologique, rien ne permet d’affirmer que mon geste va influencer le reste de la population.
Il faut se poser la question : quelle impulsion peut-on donner à la population pour que soit engendré un phénomène massivement répandu de retenue ? A mon avis, la seule possibilité est que la société crée des lois extrêmement strictes, telle que l’interdiction de l’aviation de tourisme. Or pour que des lois soient créées, il faut que le peuple élise des dirigeants ayant le désir de faire passer ces lois. Or, le peuple ne le veut absolument pas. Il ne le veut pas à tort ou à raison, on ne sait pas, mais on sait qu’il ne veut pas, donc c’est réglé.
Pour ma part, j’ai choisi de ne pas vivre de manière écolo (donc je prends l’avion) parce que je sais si je vis de manière écolo et que j’attends que le reste de la planète fasse pareil que moi, alors je peux attendre longtemps. La sociologie de masse n’est évidemment pas la somme de sociologies individuelles et indépendantes les unes des autres. Par contre, je milite politiquement en faveur d’une forte décroissance.
Ceci dit, je me refuserais quand même de faire du jet-ski à Marie-Galante, tout simplement parce que j’en ai perdu l’envie. J’aurais une impression désagréable de me comporter en consommateur dans un endroit où la population ne ferait pas ça d’elle-même si ça n’avait pas été “importé” par l’activité touristique. Là aussi je crois à l’action par le haut (la réglementation) et non par le bas (l’action individuelle), mais il se trouve que j’ai de plus en plus de mal à faire toutes les choses qui me donnent l’impression que je suis le jeune touriste lambda d’Ibiza, venu s’éclater au soleil. Ce n’est certainement pas l’âme d’îles telles que Marie-Galante. Il s’agit plutôt d’une disneylandisation de l’île. Qui ira en s’aggravant, si on accepte “juste un point de location de jet-ski”. Après avoir accepté “juste un hôtel de plus”, et avant d’accepter je ne sais quoi qui arrivera bien un jour ou l’autre. Il n’est même pas besoin de parler d’écologie, car avant les problèmes de pollution, il y a le problème de la perte d’authenticité via le mode de vie consumériste.
Mais pour en revenir à l’écologie, une étude scientifique récente prédit la disparation totale du coral en Guadeloupe dans seulement 30 ans. Voir par exemple ce lien : http://www.terredavenir.org/Corail-Guadeloupe-30-ans-avant-la-fin-des-coraux_a58.html
La disparition du corail signifierait plus de poisson, donc plus de pêcheurs, soit un drame dans de telles îles. Cela signifierait aussi moins de tourisme, car les amateurs de fonds marins iront ailleurs là où il existe encore une vie sous-marine. Enfin, cela signifierait une plus grande vulnérabilité aux cyclones.
Bref, l’avenir proche s’annonce très sombre pour la Guadeloupe. Il s’agit d’une situation d’urgence, alors si nous en sommes à nous demander “jet-ski ou pas ?” c’est qu’il est sans doute déjà trop tard.