Italie : Bergame, la belle de Lombardie
En 2023, Bergame est désignée Capitale culturelle de l'Italie avec Brescia. L'occasion de (re)découvrir cette magnifique cité lombarde...
Que voir, que faire à Bergame ?
Ville de naissance du compositeur Gaetano Donizetti, berceau de la commedia dell’arte, sous domination vénitienne pendant trois siècles (1428 à 1778), Bergame présente de nombreux visages. Haute d’un côté, sur son versant Città Alta, condensé de beauté patrimoniale et historique ; basse de l’autre, à Città Bassa, plus âprement urbaine et industrielle, on la toise du funiculaire qui dompte sa hauteur. À 50 km au nord-est de Milan (45min-1h en train), Bergame, l’élégante Lombarde, se révèle délicieusement indolente, tailladée de clochers, coupoles, tours de guet et beffrois, avec en toile de fond de fabuleux panoramas. Ici la plaine verdoyante du Pô, là les sommets dentelés des Alpes bergamasques. Andiamo !
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La Piazza Duomo de Bergame
Au cœur de la ville haute de Bergame, sur la minuscule Piazza Duomo, s’élèvent une basilique, une cathédrale, une chapelle et un baptistère. N’en jetez plus !
La Basilica Santa Maria Maggiore, construite en l’honneur de la Vierge Marie qui aurait protégé la ville d’une épidémie de peste, est le joyau de cet ensemble d’édifices religieux. Ne vous fiez pas à sa façade romane, l’intérieur déborde de faste baroque. Des tapisseries, du stuc, des marqueteries sur des dessins de Lorenzo Lotto et le tombeau de Gaetano Donizetti.
De son côté, la cappella Colleoni, de style Renaissance, a de quoi se la raconter avec sa façade en marbre polychrome (rouge et blanc) et sa coupole peinte par Giambattista Tiepolo (sur la vie de saint Jean-Baptiste). Elle tire son nom du condottiere (chef des soldats mercenaires) Bartolomeo Colleoni, qui réduisit à néant la sacristie de la basilique pour y ériger son tombeau. Aussi mégalo que sacrilège.
La Cattedrale Sant'Alessandro (ou Duomo di Bergamo), quant à elle, abrite une Vierge à l’Enfant de Giovanni Battista Moroni, le Martyre de Saint Jean de Giambattista Tiepolo, un intrigant crucifix chevelu et surtout la tiare de Jean XXIII, l’enfant du pays. Enfin, le Battistero, délogé de la basilique au XVIIe siècle, ajoute sa touche octogonale à ce tableau.
Il faut le voir pour le croire mais dans la chapelle Colleoni, sous le sarcophage inférieur, ont été sculptées les armoiries de la famille Colleoni, agrippées par deux putti et flanquées de… trois testicules (Colleoni vient du latin coleus soit « testicule » et le condottiere n’était pas peu fier de son cri de guerre, « Coglia, coglia »). Les toucher porterait chance. On vous laisse vérifier.
La Piazza Vecchia, la plus belle place d’Europe
Si tous les chemins mènent à Rome, ceux de Bergame mènent assurément à la Piazza Vecchia. Rien de moins que « la plus belle place d’Europe » pour Le Corbusier. Une perfection pour Stendhal aussi.
Il faut dire qu’elle en jette pas mal, agglomérant plusieurs bâtisses qui en disent long sur l’histoire de la ville. Commençons dans le plus grand désordre chronologique. L’édifice marmoréen à portique, superbe d’équilibre néoclassique, est le Palazzo Nuovo (le Nouveau Palais), débuté au XVIIe siècle mais seulement achevé au début du XXe. S’il a longtemps été le siège de la municipalité bergamasque, il accueille désormais (depuis 1873 à vrai dire) la précieuse bibliothèque, Angelo Mai. A l’intérieur, quelques jolies curiosités statuaires (le buste de notre couillu Bartolomeo Colleoni) ou décoratives (la colonne Camozzi et deux gigantesques globes terrestres).
Lui tenant la dragée haute, juste en face, se dresse le doyen de ces lieux. Le Palazzo della Ragione (Palais de la Raison), XIIe siècle, a longtemps été le cœur vibrant de la vie politique de Bergame. Si ses pierres grises, sa loggia découpée en ogive et sa compacité le rendent bien austère à première vue, il n’en reste pas moins un modèle d’architecture médiévale. D’ailleurs, il serait le plus ancien palais communal d’Italie. Sachez que le lion ailé de Saint-Marc en bas-relief qui garde la façade n’est qu’une réplique. La faute aux troupes napoléoniennes qui détruisirent l’original.
Tour à tour siège des magistrats locaux et du pouvoir vénitien, le Palazzo del Podestà, XIIe siècle aussi, patrouillé par la Torre del Campanone (52m, 230 marches) qui carillonne cent fois tous les soirs à 22h, accueille le Museo del Cinquecento (sur l’histoire de la domination vénitienne à Bergame).
Dégustez un espresso ou un brasato con polenta (bœuf braisé au vin à la polenta, la spécialité locale) au Caffè del Tasso, un restaurant de la Piazza Vecchia situé dans un local datant de… 1476.
Les murailles vénitiennes de Bergame
Elles donnent à la ville son inestimable cachet de ville fortifiée. Construites en 1561 pour soustraire la cité aux attaques ennemies (qui jamais ne se produisirent), les murailles vénitiennes offrent aujourd’hui de romantiques tableaux sur la campagne bergamasque. Les Vénitiens n’y sont pas allés avec le dos de la truelle, détruisant près de 250 bâtiments civils et religieux, dont l’une des deux cathédrales de la ville, au grand dam du clergé de l’époque qui excommunia à tour de bras.
Sur votre parcours, 14 bastions, 100 ouvertures pour les canons, 2 canonnières et les quatre portes (toutes floquées du lion vénitien tenant un évangile) menant à la Città Alta : Sant’ Agostino (Est), San Lorenzo (Nord), Sant’ Alessandro (du nom du saint patron de la ville, à l’ouest) et surtout, San Giacomo (Sud), pétaradant de marbre blanc (le même que celui du Palazzo Nuovo) et embranchée à un viaduc en briques qui a remplacé l’ancien pont-levis en bois.
La fontaine du Lantro et les canonnières de San Michee et San Giovanni se visitent et sont les trois haltes du parcours Bergamo sotterranea. Voici les numéros utiles. Enfin des concerts sont parfois organisés… en haut de la Porta San’ Agostino. Ne les ratez pas !
L’Accademia Carrara, voyage dans la peinture italienne
On sort de la ville haute pour aller découvrir l’Accademia Carrara. Créée en 1796 à l’initiative du comte Giacomo Carrara, enrichie de nombreuses toiles suite à plusieurs donations, cette pinacothèque remonte, sur deux étages et vingt-huit salles, une partie de l’histoire de la peinture italienne, de la Renaissance au XVIIIe siècle.
Comptez deux heures minimum de déambulation et traquez les tableaux de Mantegna (Madonna col Bambino, 1475), Raffaello (San Sebastiano, 1501-1502), Lorenzo Lotto (Nozze mistiche di Santa Caterina d’Alessandria, 1523), Bottticelli (Ritratto di Giuliano de Medici, 1478-1485) ou Giovanni Bellini (Madonna di Alzano, 1485-1487).
Récemment restauré, l’Antigone condamnée à mort par Créon de Gioseppe Diotti (1779-1846) ouvre en majesté la visite. Il y a du David dans le coup de pinceau néoclassique de l’ancien directeur de peinture de l’Accademia qui mit 11 ans pour achever son œuvre et mourut quelques mois après. Saurez-vous distinguer Créon, Antigone et Argia ?
Les autres beautés de Bergame
La rue étant trop étroite pour le doter d’une entrée fanfaronne, le Teatro sociale, juste derrière la Piazza Vecchia, via Colleoni (il est partout !), ne paye d’abord pas de mine. A l’intérieur pourtant, on est saisi par l’harmonie des balcons soulignés de bois et par le plafond tout de poutres apparentes.
Inauguré en 1808 pour redonner du lustre à la Città Alta, dangereusement concurrencée par la Città Bassa et son Teatro Riccardi (aujourd’hui Donizetti), le Teatro sociale se visite les samedis et dimanches (réservation obligatoire). Les mélomanes et théâtreux jetteront un coup d’œil sur le programme.
Gaetano Donizetti (1797-1848) est sans nul doute l’une des stars de Bergame (une WebTV lui est consacrée). Sa maison natale, Via Borgo Canale, se visite. Plus informatif qu’émouvant, l’itinéraire ravira surtout les nostalgiques du compositeur de l’Elisir d’Amore et de Lucia di Lammermoor, qui vécut avec sa famille dans le sous-sol de cette maison.
L’autre enfant du terroir (il n’y est pas né mais y vécut longtemps), Lorenzo Lotto (1480-1556), s’est fait la main et les pinceaux sur les murs de l’église San Michele al Pozzo Bianco, près de la porta Sant’ Agostino. Le peintre de la Haute Renaissance habitait en effet dans la maison voisine. On lui doit d’expressives Scènes de la vie de Marie. L’église regorge également de fresques parmi les plus anciennes de Bergame.
À quelques pavés ronds de là, on reste sur la Via Porta Dipinta qui enfile les palais comme des perles. Le topaze Palazzo Grumelli Pesenti, le plus sévère Palazzo Gavazzeni et surtout le Palazzo e Giardini Moroni (10€), écrin baroque du XVIIe siècle, qui se visite tant pour son escalier monumental et ses fresques de Gian Giacomo Barbelli que pour ses jardins suspendus en terrasse.
Plus confidentiel, le Palazzo Terzi, non loin, n’avait pas laissé de marbre le prix Nobel de littérature, Hermann Hesse (« l’un des plus beaux endroits d’Italie »). Si le salon d’honneur et la salle rouge sont étourdissants de couleurs, la vue de la terrasse l’est tout autant. Attention, le palais n’est ouvert que quelques jours dans l’année ou sur réservation pour des groupes d’au moins 10 personnes.
Fiche pratique
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Site de l’office du tourisme de l’Italie
Site de l’office du tourisme de Bergame
Comment y aller ?
- En avion : vols directs depuis Paris (1h30) avec Ryanair (liaison directe avec Marseille aussi), EasyJet.
- De Milan, comptez 45 minutes – une heure en train pour rejoindre Bergame.
Où manger les spécialités de Bergame ?
Pour acheter les fameux casoncelli (casonsei) à la bergamasque, des raviolis garnis au bœuf, au salami et aux raisins, deux adresses : Al Pastificio del Borgo (Via Borgo Palazzo, 85A) et Raviolificio Leidi (Via Sant'Alessandro, 1).
Pour déguster une stracciatella, il faut aller à La Marianna (Largo Colle Aperto, 4), près de la Porta Sant’ Alessandro. C’est ici, en 1961, qu’Enrico Panattoni a inventé, à force d’expérimentations, ce dessert à base de crème, de lait et de copeaux de chocolat.
Pour la polenta e osei, version sucrée, une spécialité costaude (génoise, crème au beurre, massepain), on vous conseille la boulangerie Panifico Tresoldi (Via Bartolomeo Colleoni, 13a).
Enfin pour la vue, à l’ombre de la glycine et des vignes grimpantes, il faut déjeuner à la Trattoria La Colombina (Via Borgo Canale, 12). Laissez-vous tenter par le menu dégustation (28€, réservation pour 4 personnes minimum) typiquement bergamasque.
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Texte : Florent Oumehdi
