Cette gare qui remet Berlin sur les rails
La gare centrale de Berlin, qui ouvre ses portes à quelques jours du Mondial de football, est le plus grand carrefour ferroviaire d’Europe. Prouesse architecturale et chef-d’œuvre de logistique, elle place la bouillonnante métropole allemande au cœur du continent. Même si Berlin Hauptbahnhof, symbole de l’Allemagne réunifiée, voit le jour dans une ville à l’économie sinistrée…
Préparez votre voyage avec nos partenairesLe plus grand carrefour ferroviaire d’Europe
Le 26 mai prochain sera-t-il un jour historique de plus pour Berlin ?
Au bout de huit ans de travaux et dix-sept ans après la chute du Mur, la gare
centrale de la capitale allemande, située à l’emplacement de l’ancienne Lehrter
Bahnhof, ouvre enfin ses portes, plaçant Berlin encore plus au cœur de l’Europe.
Berlin Hauptbahnhof, la plus grande gare du continent, sera incontestablement
la plaque tournante du trafic ferroviaire européen. En son sein, vont se croiser
les deux grands axes Paris-Moscou (Est-Ouest) et Rome-Copenhague (Nord-Sud).
Il s’agit tout simplement du plus important carrefour ferroviaire d’Europe :
plus de 1 200 trains et près de 300 000 personnes devraient
s’y arrêter ou y transiter chaque jour !
Et ceci, au cœur de Berlin, à quelques encablures du Tiergarten, du Reichstag
et de la Potsdamer Platz. À la chute du mur, l’endroit était un no man’s
land : aujourd’hui, la gare centrale de Berlin constitue, à quelques
jours de l’ouverture du Mondial de foot, la dernière pierre à l’édifice de la
capitale réunifiée. Et c’est une pierre de taille…
Un gigantesque serpent de verre et d’acier
Conçue par l’architecte allemand Meinhard von Gerkan, Berlin Hauptbahnhof a
de quoi impressionner, elle ressemble de loin à un gigantesque serpent de verre
affublé de deux tours de bureaux. Les dimensions de ce monument pharaonique
laissent rêveur : l’axe Est-Ouest, situé à 10 m du sol, est surmonté
d’une galerie vitrée de 321 m de long et de 40 m de large. Le hall,
orienté Nord-Sud, coupe le toit de verre sur une longueur de 160 m. Il
est encadré par deux immeubles de 46 m de haut qui enjambent, comme des
ponts, les voies. Enfin, la gare est entièrement éclairée par la lumière du
jour, filtrée par le toit de verre.
Retenez votre souffle, car il s’agit uniquement de la partie « visible »
du monstre. En sous-sol, à 15 m de profondeur, 8 voies réparties sur
430m desservent l’axe Nord-Sud. Enfin, à l’entresol, un parking d’une capacité
de 900 places de stationnement attend les voyageurs, ainsi que 15 000 m2
de boutiques en tous genres et de points de restauration. Les différents niveaux
sont reliés entre eux par 54 escalators et 34 ascenseurs, dont 6 panoramiques.
Les bâtisseurs de cathédrales n’auraient pas été dépaysés par le chantier de
Berlin Hauptbahnhof. Rien que pour les fondations de ce projet titanesque, il
a fallu creuser sur des dizaines de mètres pour ôter 1,5 million de mètres
cubes de terre et établir 9 niveaux de 90 000 m2,
soit la surface de 11 terrains de football !
Quatre réseaux en un lieu
Prouesse architecturale rare, Berlin Hauptbanhof est aussi un chef-d’œuvre
de logistique et d’organisation de trafic. Sur son site cohabitent cinq réseaux
différents en un hub unique au monde : les deux grands axes ferroviaires
de type « Grandes Lignes » Est-Ouest/Nord-Sud, les lignes régionales
de l’état de Brandebourg, le S-Bahn (équivalent de notre RER) en surface et
le métro (ligne U5) en sous-sol. Le tout, en un seul et unique endroit.
Il s’agit donc d’un modèle d’interconnexion d’une efficacité rare, auquel ne
manque que… la voie aérienne ! L’avion a toujours été, il est vrai, le
talon d’Achille de Berlin : pour des raisons historiques évidentes, Lufthansa
a préféré placer ses hubs à Munich et Francfort. Forte de sa nouvelle
gare, Berlin est donc prête à accueillir les hordes de supporters de foot, mais
aussi les touristes, de plus en plus nombreux, qui redécouvrent ses charmes.
Une gare pour éviter la voie de garage ?
Reste à savoir si un édifice d’un tel gigantisme arrive au bon moment… Berlin
a du mal à digérer une réunification au forceps, après dix années de transformations
radicales. La ville est en faillite et ses nouveaux habits semblent trop grands
pour elle.
Certes, la capitale allemande fait preuve d’une vitalité culturelle unique en
Europe : le quartier bohème de Prenzlauer Berg est en ébullition, la scène
nocturne de Friedrichshain donne toujours le ton à l’Europe des musiques électroniques
et les bords de la Spree sont très agréables en été. En dépit de l’hyper-modernisme
chic, mais controversé, de ses bâtiments administratifs et de la nouvelle Potsdamer
Platz, Berlin a gardé, contre vents et marées, son esprit bohème et rebelle.
Mais si la ville a su attirer les artistes et les jeunes, les sièges sociaux
d’entreprises, restés à l’ouest de l’Allemagne, brillent par leur absence. Beaucoup
d’immeubles de bureaux flambant neufs restent désespérément vides. Aujourd’hui
l’une des agglomérations plus endettées au monde, Berlin traverse une crise
économique très grave. Avec un taux de chômage avoisinant les 20 % et un
déficit de 59 milliards d’euros, Berlin est exsangue, à tel point que son
maire Klaus Wowereit a porté plainte contre l’État fédéral, dont les finances
ne sont guère florissantes, pour qu’il fasse preuve de plus de solidarité.
Dans ces conditions, la nouvelle gare centrale, dont le gigantisme et la perfection
sont sensés refléter la réussite de la réunification allemande, fait plutôt
penser à un bel arbre cachant la forêt des ratés de la réunification. De nombreux
décideurs berlinois espèrent pourtant que cette nouvelle infrastructure donnera
un coup de fouet à l’économie locale. La Deutsche Bahn estime ainsi que le trafic
des voyageurs pourrait être multiplié par trois d’ici 2010. Les entrepreneurs
seront-ils sensibles aux charmes de Berlin Hauptbahnhof ? En attendant
de meilleurs auspices économiques, un tel monument ferroviaire vaut sans doute
le voyage. Ceux qui aiment Berlin prendront sûrement le train…
À voir sur le Web
- Le projet de Berlin Hauptbahnhof : www.hbf-berlin.de
- Site d’Allemagne 2006 : http://wm2006.deutschland.de
- Office du tourisme de Berlin : www.berlin-tourist-information.de
- Ville de Berlin (allemand et anglais) : www.berlin.de
- Pour savoir que faire à Berlin, consulter notre agenda.
Texte : Jean-Philippe Damiani
Mise en ligne :