À Prague, sur les traces de Chatwin
Prague, héroïne de roman
Chatwin écrit être descendu, lors de son retour à Prague en 1973, à l’hôtel
Jalta, situé sur la longue place Venceslas, dans la nouvelle ville. Ancien marché
aux chevaux et aujourd’hui grande artère commerciale, la place Venceslas (Vaclavské
naměstí) part de l’imposant Musée national pour descendre en pente
douce jusqu’à l’avenue Na Příkopě (sur le fossé), qui délimite
la nouvelle ville de la vielle. Sous le régime communiste, l’hôtel Jalta faisait
partie de ces établissements spécialement affectés au séjour des étrangers.
Ce quatre-étoiles sobre et élégant existe encore aujourd´hui sous le même nom.
Si Chatwin laisse quelques traces de son passage à Prague, il se sert aussi
de cette ville pleine de mystères pour mieux brouiller les cartes. Le collectionneur
de l’écrivain habite au 5, rue Široka, en plein cœur du quartier juif (Josefov).
« Utz me dit que le ghetto originel, ce dédale de passages secrets (...)
décrits de façon si vivante par Meyrink, avait été remplacé par des immeubles
d’habitation après les évacuations des années 1890. Les synagogues, le
cimetière et l’ancien hôtel de ville furent les seuls monuments à rester debout. »
Conséquences de l’asanace (assainissement) : la disparition du vieux ghetto
(devenu insalubre) et de ses ruelles pittoresques, si chères au cœur de Kafka.
Conséquence architecturale : un axe haussmannien (la rue de Paris ou Pařižska),
longeant Josefov et surtout un ensemble de maisons historicistes ou Art nouveau
illustrant la vitalité architecturale de la capitale tchèque. C’est dans une
maison cubiste que vit Utz...
Just, son homologue réel, n’a pourtant jamais pu vivre au 5, Široka. Construite
en 1911, cette maison appartient dans les années vingt à un mouvement juif,
le Refra Kadisha, dont l’inscription en hébreu orne toujours le fronton. Après
avoir été réquisitionné par les Allemands durant la guerre, le bâtiment devient,
avec l’arrivée du régime communiste en 1948, le siège de la Société des
sciences tchécoslovaques. Elle l’est encore en 1967. Difficile donc pour
Utz et ses porcelaines d’y avoir habité ! Pourtant, l’écrivain n’a pas
choisi le lieu par hasard.
Texte : David Alon
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