La France de Vauban

Vauban, un génial ingénieur



© Musée du génie, ESAG, Angers

Un jeune noble frondeur du Morvan
Amusant paradoxe : Vauban le défenseur des frontières françaises est un enfant du Morvan, région placée plutôt au centre du pays. Il naît en 1633 à Saint-Léger-de-Foucherets, village actuellement situé dans le département de l’Yonne, rebaptisé Saint-Léger-Vauban par un décret impérial de 1867. Un musée y entretient la mémoire du grand homme.
Après une enfance partagée entre une vie simple auprès de petits camarades paysans, puis des études dans un collège religieux, ce rejeton d’une famille fraîchement anoblie entre à l’âge de 18 ans au service du prince de Condé, gouverneur de la Bourgogne et principal meneur de la Fronde. Vauban participe à cette guerre qui oppose une partie de la noblesse au pouvoir royal alors incarné par l’adolescent Louis XIV. Ingénieur militaire, il combat donc son futur maître… Rapidement fait prisonnier, il change de camp après une entrevue avec le cardinal Mazarin.

Au service du roi et assez peu de son épouse
Maintenant âgé d’une vingtaine d’années, Vauban est placé sous les ordres de l’ingénieur Louis Nicolas de Clerville, spécialisé dans les fortifications. Il apprend beaucoup auprès de cet aîné durant les nombreux sièges auxquels les armées du roi participent dans le nord de la France lors de la guerre contre l’Espagne. Au cours de cette période, le jeune homme est plusieurs fois blessé. Le conflit terminé, il retourne dans le Morvan où il épouse sa cousine Jeanne d’Osnay, ou d’Aunay, en 1660. Il ne profite guère de cette nouvelle situation car il est rappelé au service du roi.
En fait, sa vie conjugale sera du genre épisodique. On a calculé qu’elle s’est résumée à environ quatre années au cours de toute son existence, à raison de quelques mois par ci, par là. Et quand il se trouve auprès de sa femme et de ses enfants (seules deux filles, Charlotte et Jeanne-Françoise, parviennent à l’âge adulte), il continue de travailler. Ce stakhanovisme est l’un des traits marquants de la personnalité de Vauban. Son fief sera à partir de 1675 le château de Bazoches ; un lieu où il rédige des mémoires sur les fortifications et l’art de la guerre, mais aussi sur l'agriculture ou l’économie (« Les Oisivetés »).

Lille au trésor
En 1655, Vauban est nommé ingénieur militaire responsable des fortifications. Sa fonction l’entraîne à perfectionner la défense de villes du Nord et, de nouveau, à participer à de nombreux sièges de villes, puis à les diriger. Nommé lieutenant aux gardes en 1668, sa première grande réalisation est la construction de la citadelle de Lille, surnommée par lui-même « reine des citadelles ».
Achevée en 1671, elle fait partie du « pré carré », ensemble constitué de 28 villes fortifiées de la région réparties en deux lignes. Conçue en forme d’étoile, elle porte en elle la plupart des principes mis en œuvre, adaptés et améliorés par l’ingénieur au cours de sa carrière. Plusieurs lignes de remparts se succèdent, imbriqués les uns dans les autres. Ceux-ci comprennent de plus ou moins gros bastions, des fossés, des chemins, des courtines… Bref, un entrelacs de bâtis qui forme un quasi labyrinthe comportant quantités de pièges pour l’attaquant.

Le maltraité de Maastricht
Génie de la défense, Vauban est aussi un maître de l’attaque. Il contribuera à la prise de 49 villes. En 1673, il dirige le siège de Maastricht en Hollande (au cours duquel est tué le vrai d’Artagnan). À cette occasion, il invente des systèmes de tranchées permettant aux attaquants d’atteindre sans trop de dommage pour eux des brèches percées par des tirs d’artillerie ajustés. Il met notamment en application des méthodes de tirs à ricochet qui permettent de faire d’énormes dégâts en un seul coup.
C’est une victoire mais, malheureusement pour lui, le roi Louis XIV s’attribue toute la gloire. Quoique, bon prince, ce dernier gratifie son serviteur d’une coquette somme d’argent avec laquelle il acquiert le château de Bazoches. Et puis, cinq ans plus tard, Vauban est nommé commissaire général des fortifications en remplacement de son ancien mentor Clerville. De ce jour, il semble être doté du don d’ubiquité. On le retrouve en train d’assiéger des cités que veut conquérir le roi au cours de ses nombreuses guerres (Philippsbourg, Mons, Namur…), mais aussi sur d’innombrables chantiers.

Plus fort que Vauban, il n’y a pas
Le commissaire général des fortifications lance une longue série de projets qu’il réalise ou supervise, tout en rédigeant des traités, des rapports, des mémoires envoyés au ministre d’État et surintendant des Bâtiments, des Arts et Manufactures Louvois, ou directement au roi.
Lieutenant général en 1688, puis maréchal de France en 1703, Vauban créée une « frontière de fer » en faisant construire des places fortes à partir de rien, mettant à profit des sites difficilement prenables, ou en apportant des modifications à des structures qui ont déjà fait leurs preuves.
La liste est impressionnante. Une bonne carte valant mieux qu’une litanie de noms, regardez celle qu’a réalisée le Réseau des sites majeurs Vauban :
www.sites-vauban.org/IMG/pdf/carte.pdf.

Une étincelle des Lumières
Beaucoup placent Vauban au rang des précurseurs des grands intellectuels et savants des Lumières. Il y a de quoi alimenter cette opinion. Certes, l’homme a brillé en tant que militaire en attaquant des villes ici et en défendant d’autres là, ainsi qu’en inventant, mais oui, la baïonnette à douille (en se fixant sur l’arme au lieu d’être fichée dans le canon du fusil, ce fer de lance peut être utilisé sans empêcher le soldat de tirer). Mais une autre dimension du personnage nous amène à le considérer sous un jour plus pacifique.
Rappelons-nous qu’il a toujours eu en tête la sauvegarde des combattants, imaginant des systèmes limitant le nombre de victimes. Hors champ de bataille, Vauban se dépense sans compter pour inciter le roi à rétablir l’édit de Nantes afin de rendre leurs droits aux protestants. Il fait également entreprendre d’importants travaux d’amélioration du canal du Midi (voir notamment la voûte de Vauban, tunnel long de 122 mètres à Revel, Haute-Garonne). Sur le plan économique, ce serviteur de l’État démontre toute sa vie une hauteur de vue plutôt neuve au XVIIe siècle. Dans ses mémoires figurent des traités sur la cochonnerie. Si, si ! Il s’agit pour lui de prouver qu’en généralisant l’élevage de cochon, on améliorerait grandement l’alimentation des paysans, lesquels sont soumis à de régulières disettes.
Vauban est aussi l’inventeur de procédures de recensement, une idée neuve encore. Enfin, sa grande affaire est une réforme de la fiscalité du royaume. Le principe qui traverse ses projets est de taxer les plus riches sujets, nobles et hommes d’Église compris. Le plus important est intitulé « dîme royale ». Il s’agit d’un impôt unique s’élevant à 10 % des revenus de ces derniers, étant entendu que les plus pauvres en seraient exonérés. Les privilégiés sonnent alors l’hallali contre Vauban. Le malheureux est confronté à des attaques contre lesquelles, cette fois, il ne trouve aucune défense efficace. C’est d’ailleurs cela qui va lui valoir une fin de vie douloureuse.

Vauban après Vauban
Vauban meurt en 1707 d'une maladie des poumons. Bien qu’enterré à Bazoches, son cœur est déposé à l'hôtel des Invalides à Paris par volonté de Napoléon Ier. Il laisse 119 places et villes fortifiées, 34 citadelles, 58 forts et châteaux, 57 réduits et 29 redoutes, ainsi que des plans-reliefs, maquettes gigantesques représentant ses projets ; ils sont exposés dans un musée qui leur est dévolu aux Invalides de Paris et au palais des Beaux-Arts de Lille. Son phénoménal héritage est entretenu pour une grande part. Des travaux d’aménagement de ses constructions ont évidemment été réalisés, car il va sans dire que les progrès dans l’art de la guerre ont avancé très vite dans les siècles suivants. Si certaines places fortes ont disparu, beaucoup sont encore occupées par l’armée française au XXIe siècle.

Douze sites classés au patrimoine mondial par l’UNESCO
Lancé en 2004 à l’initiative du maire de Besançon, le Réseau des sites majeurs de Vauban élabore un ambitieux projet : l’inscription au patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO d’un ensemble de quatorze lieux conçus par l’ingénieux architecte de Louis XIV. L’union faisant la force, les communes intéressées ont préféré présenter un unique dossier ayant toutes ses chances, plutôt que tenter le sort de façon isolée. La diversité des sites et leur mise en valeur étaient des atouts majeurs propres à convaincre l’organisation internationale. Cela tombe bien : certains sont construits sur une côte, d’autres dans la montagne ou la plaine, il y a des citadelles, des villes, des tours… et tous sont très bien entretenus.
La victoire est emportée en 2008, mais seuls douze sites sont retenus par l’UNESCO. Sont refusés la citadelle de Belle-Île (Morbihan), qui a été transformée en hôtel, et le château de Bazoches (Nièvre), car ce n’est pas un site fortifié. Dans les pages qui suivent, nous vous invitons à découvrir ces douze perles du patrimoine français qui ont pour particularité d’être tous situés dans des lieux magnifiques. On commencera par les plaines du nord-est, puis nous prendrons de la hauteur dans les Alpes et les Pyrénées, avant de rejoindre les côtes de l’Ouest.


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