Et vint le temps des mélanges de mélanges

Le métissage musical a pris un nouvel essor à partir de la fin du XXe siècle. La multiplication des médias et la plus grande accessibilité des moyens de transport ont « délocalisé » les artistes. Un Nordestin faisant carrière à São Paulo ou un carioca s'installant à Salvador de Bahia pour se ressourcer, ce n'est pas nouveau, mais c'est devenu excessivement banal. De plus, les artistes n'ont plus aucun effort à fournir pour s'inspirer des styles en vogue à l'autre bout de la planète. Doté de moyens humains et économiques conséquents, le monde de la musique brésilienne est d'une vigueur telle qu'il peut en remontrer à n'importe qui ! On ne s'en est peut-être pas encore vraiment rendu compte, mais le Brésil est devenu une superpuissance, du moins en termes musicaux. En attendant mieux ?

La musica popular brasileira (MPB) réunit à partir du début des années 1960 sous son étendard la nouvelle génération de vocalistes et musiciens pop du pays qui s'inspirent de tous les styles traditionnels et nouveaux. Et qui cherchent à dire des choses sur leur société, rompant ainsi avec la bienséance et la légèreté de la plupart de leurs prédécesseurs. Parmi les plus importants figurent Geraldo Vandré - chanteur protestataire -, Roberto Carlos - star du rock des années 1960 -, Jorge Ben - incroyable créateur de tubes, très porté sur la soul -, Milton Nascimento - poignant chanteur qui a notamment mis en avant les musiques des minorités du Brésil -, Maria Betânhia - sublime interprète de tous les grands compositeurs et poètes de son temps -, et puis Edu Lobo, Elis Regina, Marcos Valle, Nara Leão, Djavan… Prenons le risque d'être injuste et disons que Chico Buarque est certainement la personnalité la plus passionnante issue de cette scène. À l'aise dans tous les registres, aussi excellent dans l'écriture que dans la composition, finement engagé dans les combats pour la démocratisation de son pays, écrivain inspiré, il est logiquement apprécié de tous les publics.

Le tropicalisme est un mouvement artistique moderniste qui apparaît à la fin de la décennie 1960, alors que le Brésil connaît une période de dictature. Alors que certaines fortes têtes bouleversent le monde des arts plastiques, du théâtre et du cinéma, de jeunes gens bousculent la MPB - qui elle-même était déjà remuante ! Si, de la même manière que leurs congénères, ils s'inspirent autant de la samba, de la bossa nova, des styles nordestins que du rock anglais et de la chanson européenne, ils le font avec une liberté exceptionnelle. Ces chevelus géniaux se nomment Caetano Veloso, Gilberto Gil - devenu ministre de la Culture du gouvernement Lula -, Gal Costa, Os Mutantes ou encore Tom Zé et Rogéro Duprat, arrangeur de formation classique qui rivalise d'imagination avec ses plus flamboyants collègues européens et états-uniens (George Martin, Brian Wilson…). Pendant un temps, la jeunesse étudiante refuse de les entendre. Ils sont trop artistes, pas assez « engagés ». Pourtant, en 1967, lors de ces festivals qui rythment la vie de la MPB et que le public suit assidûment, le Alegria, alegria de Veloso finit par emballer les Brésiliens, malgré certains sifflets, le Domingo no parque de Gilberto Gil connaît un succès identique. Le tropicalisme est un mouvement plutôt informel. Il est basé sur les concepts « anthropophages » édictés en 1928 par Oswald de Andrade et Tarsila do Amaral, deux poètes inspirés par les dadaïstes et les surréalistes. Éclectiques, extrêmement ouverts sur le monde, affamés de nouveauté, ils dévorent tout ce qui leur plaît : traditions, modernismes, etc. Finalement et logiquement, le mouvement Tropicália rejoint la jeunesse qui conteste la dictature. Veloso et Gil paieront leurs audaces par un séjour en prison et un exil en Europe, comme leur ami Chico Buarque et d'autres encore. Les tropicalistes sont régulièrement redécouverts depuis leur éphémère apparition. Ils fascinent par leur inventivité artistique jamais prise en défaut - des musiciens états-uniens comme David Byrne ou Arto Lindsay, Brésiliens de cœur, ont beaucoup fait pour les remettre en vogue. Ils préfigurent aussi les mélanges qui vont s'opérer dans les décennies suivantes.

De nouveaux styles, très variés, apparaissent sans cesse depuis les années 1960. Après le tropicalisme, est venu le temps du reggae, du funky, puis du rap et de l'électro. À chaque vague déferlant d'Amérique du Nord ou d'Europe, les musiciens brésiliens ont imaginé des synthèses originales, surtout depuis la décennie 1990. Le niveau est si élevé que de Tokyo à Los Angeles, en passant par Paris, on recommence à tendre ses oreilles vers le Brésil ! Ainsi sont nés l'axé-music de Bahia ou le mangue beat, dont la figure de proue fut Chico Science. Apparu dans le Nordeste, à Recife, celui-ci propose une mixture vigoureuse de tous les genres jugés de mauvais goût (metal, rap, folklores paysans). Proches de cette tendance, des artistes tels que Lenine, Arnaldo Antunes, Marisa Monte, Carlinhos Brown réussissent à créer une pop puissante et originale, nourrie de traditions et des travaux inventés par les modernistes des générations précédentes, capable de plaire au-delà des frontières du Brésil. Ce sont les plus fiers descendants du tropicalisme. La scène hip hop locale reste florissante - Instituto Collectiv, Marcelo D2 -, tandis que s'installe une série de vocalistes - Bebel Gilberto, Cibelle, Fernanda Porto - et de bidouilleurs électro qui, comme les autres, conservent des traces des styles anciens, notamment la bossa. On notera d'ailleurs que les formules trouvées de Recife à São Paulo ont été copiées-collées par d'innombrables suiveurs à travers le monde. Et, signe d'un très grand dynamisme, des individualités s'aventurent au-delà des genres les plus avancés ! Ce sont l'ex-tropicaliste Tom Zé, Otto, DJ Dolores, Seu Jorge et tant d'autres. À part ça, on fait aussi du heavy metal (le bon groupe Sepultura) ou de la « variété », la música sertaneja. Les interprètes de cette dernière sont méconnus de ce côté-ci de l'Atlantique, contrairement à d'autres qui ont quitté leur pays pour tenter leur chance dans des pays exotiques, c'est-à-dire en Europe ou en Amérique du Nord.

Beaucoup de Brésiliens se sont fait connaître depuis l'étranger. Ce n'est pas qu'ils sont ignorés chez eux, mais leurs carrières ont fait des bonds gigantesques lorsqu'ils ont rejoint New York, Los Angeles ou… Paris et Munich. Ce sont, par exemple, les percussionnistes Nana Vasconcelos, Airto Moreira (un des fondateurs de Weather Report), les chefs d'orchestre Sergio Mendes et Eumir Deodato, la chanteuse Flora Purim, l'expérimentateur Hermeto Pascoal, le jazzman Egberto Gismonti, la fratrie Assad… À Paris, des artistes populaires comme Nazaré Pereira, Monica Passos, Trio Esperença, Marcio Faraco, Bïa ont pu obtenir de beaux succès. Là, ceux-ci ont côtoyé tous ces chanteurs français qui ont abondamment puisé dans le répertoire brésilien pour s'offrir des succès ou s'inspirer des rythmes de cet eldorado de la musique populaire. Cela n'a pas arrêté dans les années 1960 et 1970 : Dario Moreno, Henri Salvador, Joe Dassin, Marcel Zanini, Brigitte Bardot, Claude Nougaro, Georges Moustaki, Pierre Barouh, Pierre Vassiliu, Nicoletta, Michel Fugain, Bernard Lavilliers… Et cela a repris un peu plus tard avec Fabulous Trobadors, Mathieu Boogaerts, Philippe Katerine… C'est une histoire d'amour sans fin ! À suivre…

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